Partie 1

 

Un dimanche de février, tôt le matin, Barcelone, métro ligne 4. Une pause s’imposait.

« Tu es triste pour toi… Arrête d’être triste pour toi ! » me soufflait mon inconscient. OK, j’arrête.

Cette nuit-là, je lui ai tout raconté, je crois. Mes errances, mes gâchis, mes erreurs impossibles à rattraper. Il y a ces choses qui arrivent et te marquent au fer rouge. Il y a la mauvaise rencontre, la mauvaise histoire. Elle me poursuit depuis treize ans maintenant. C’est le fil couleur sang de mon récit.

J’y pense et y repense encore, ça tourne en boucle. Parfois, des éléments s’ajoutent au gré des rencontres, des histoires des un-e-s et des autres, des chansons écoutées.

Ça devait être un week-end quand tout a commencé. Tu me plaisais, tu avais tout, les bonnes paroles, le bon look, la bonne musique, les bons potes. À ce moment-là, je me souviens que j’étais là où je voulais être. Ivre sûrement. J’étais toujours ivre à cette époque. J’avais 17 ans ? 18 ans ? J’étais punk. C’est tout. Je revendiquais d’être une poubelle. La poubelle des autres. Qu’ils me remplissent de leurs déchets, je les recyclerai.

« Tonight, tonight, time is never time at all. You can never ever leave, without leaving a piece of youth. And our lives are forever changed, we will never be the same… » 

Charlie Chaplin disait que « du chaos naissent les étoiles ». On était le chaos, il est l’étoile. Qu’est-ce qu’on pouvait faire d’autre, franchement ? Pourquoi pas, après tout ? Je crois que j’ai toujours eu ce que je désirais. Je voulais un enfant jeune, j’étais punk. Je voulais partir de chez ma mère, je voulais ma propre famille. Je voulais raconter ma propre histoire, plutôt que de subir celle des autres. Toi, je crois que tu voulais un sens à ta vie. Honnêtement, je ne sais pas ce que tu voulais vraiment… On était égoïstes, immatures et pleins de bonnes intentions. On s’aimait. En tous cas, moi, je t’aimais. On voulait sceller notre histoire, on voulait nous sceller ensemble et nous rendre vivants à travers un Autre. Alors il est né.

Je n’ai rien vu venir. Ou peut-être que si, mais que je refusais de le voir. Ça ne collait pas avec mon scénario. Entre comportements (auto)destructeurs et petites phrases assassines, c’est ainsi que j’ai vécu, comment pouvais-je comprendre que tout cela allait nous mener en enfer ? Tous les trois…

Toi qui utilises sans cesse le concept d’empathie, est-ce parce que tu voudrais saisir ce que c’est ?

Comprends bien que je n’accuse pas. Comprends bien que ma colère et mes reproches me sont destinés en premier. Comprends bien que je veux seulement me libérer. Mais comprends aussi que je ne peux pas porter seule le poids de la culpabilité. Elle m’empêche de respirer, elle me brise la colonne vertébrale, me courbe l’échine.

J’ai failli mourir deux fois à cause de toi. Peut-être trois.

 


Image de une : A tear lost in a stream. © Slice of Being