Sa voix, si singulière, ne vous est sans doute pas inconnue. Douce et sensuelle, elle accompagne depuis des années de multiples visages d’actrices. Celui d’Ellen Page dans les versions françaises de Juno et Inception par exemple, de Rooney Mara dans Millenium, ou encore de Shailene Woodley dans Nos étoiles contraires. Cette voix est aussi celle d’une jeune interprète au regard pénétrant ; une femme pétillante, humble et ivre de vie. Rencontre avec Jessica Monceau, comédienne de 26 ans, qui nous parle avec sincérité de sa vie d’artiste.

 

J’aimerais retracer ton parcours artistique : qu’est-ce qui t’a conduite à devenir comédienne ?

J’ai fait mes premiers pas au cinéma à l’âge de 7 ans, sur le tournage du film Une femme en blanc avec Sandrine Bonnaire. Enfant, j’étais fascinée par le jeu des comédien-ne-s à l’écran, et l’envie d’en faire mon métier m’a, il me semble, toujours habitée. J’ai eu la chance de baigner très jeune dans cet univers artistique, tout en étant très protégée. Ma mère, elle-même comédienne, tenait réellement à ce que je vive avec innocence ma vie d’enfant, que je passe mon bac, même si je suivais des cours de théâtre. Elle me répétait souvent qu’« être acteur-rice, c’est un métier, et un métier ça s’apprend ». Elle voulait aussi que je prenne le temps de savoir si c’était véritablement la voie que je voulais emprunter. Lorsque j’étais enfant, participer au tournage d’un film, c’était pour moi un pur moment récréatif. À 17 ans, lorsque j’ai pris des cours de théâtre professionnels au studio d’Asnières, puis à l’école Claude Mathieu, j’ai compris qu’il ne s’agissait plus d’un simple jeu. Cela ne m’a pas rebutée, au contraire : j’ai découvert toutes les possibilités de ce métier. Grâce à différentes techniques, j’ai pu travailler mon propre instrument. J’ai appris à placer ma voix, améliorer ma diction, mouvoir mon corps, chanter, danser…

 

Est-ce que c’est difficile pour toi de vivre de ce métier ?

Je n’ai pas ce sentiment, car j’ai la chance de pouvoir varier les genres autant que possible. J’essaie de travailler sur les trois branches du métier : le théâtre, le cinéma et la voix — doublage, narration, jeux vidéo, etc. Ces trois univers demandent la même rigueur et le même investissement, même si les techniques de jeu sont assez différentes. Au cinéma, la caméra est très proche, elle permet de préciser mon jeu sur d’infimes détails. Au théâtre, j’ai un rapport direct avec le public, et il est absolument impossible de reprendre plusieurs fois la même scène. Le doublage, par exemple, me permet d’interpréter des rôles que physiquement je ne pourrai jamais faire, comme Minfilia dans le jeu vidéo Final Fantasy, ou Rae dans la série My mad fat diary — une série britannique rare !

 

Une actrice comme Ellen Page est une étoile montante du cinéma américain, n’est-ce pas dérangeant pour toi d’être identifiée à elle par ta voix ?

Non, au contraire même ! Grâce au doublage, j’ai parfois l’occasion d’interpréter au plus près le jeu d’acteurs-rices que j’admire. Ma voix doit traduire leurs émotions. Et comme je le disais, ce n’est qu’un aspect de mon métier.

 

Comment se passe le doublage d’un blockbuster ?

Il est rare que les comédien-ne-s qui font du doublage puissent voir à l’avance un film à très gros budget. Seul les directeur-rices artistiques en ont la possibilité, et c’est à ces personnes de nous diriger au fur et à mesure des scènes que l’on enregistre. Souvent, pour des raisons techniques ou d’organisation, on est obligé de travailler seul-e les séquences avec plusieurs personnages. Après, nos voix sont minutieusement assemblées au mixage pour que le résultat soit harmonieux.

 

En tant qu’actrice, quelles sont les difficultés que tu rencontres au quotidien ?

Le métier de comédien-ne apporte son lot de doutes, et oblige à se remettre continuellement en question. Mais n’est-ce pas ce qui nous fait avancer ? Bien sûr, parfois la pression est grande, les rythmes intenses, et la concurrence rude. Quoi qu’il arrive, il faut savoir se mettre sur off lorsque l’on rentre chez soi le soir. Comme pour n’importe quelle passion dont on fait son métier, il faut s’investir de manière très intense sans jamais oublier le plaisir. Et aussi relativiser…

 

 Comment approches-tu les rôles que tu dois jouer ?

Lorsque l’on me propose un personnage, je dois avant tout mettre de côté mes jugements personnels à son égard pour réussir à me mettre dans sa tête. Bien sûr, le jeu c’est moi, j’imprègne mon personnage de ma singularité, mais sans pour autant perdre en objectivité. En fait, j’oriente le personnage selon ma sensibilité et l’angle de vision recherché. Même s’il ou elle me semble détestable, je dois jouer sur ses forces autant que ses faiblesses. C’est cette palette d’intentions variées qui rend le personnage crédible, humain.

Lorsque l’on vit quelque chose pour la première fois, on n’essaie pas de bien faire, on se contente de ressentir l’instant présent. De la même façon, habiter un personnage, c’est essayer de vivre pour la première fois ce qu’il ou elle raconte.

 

N’as-tu pas le sentiment que pour réussir en tant que comédienne, il faut avoir un physique stéréotypé ou de très bons pistons ?

J’ai encore la naïveté de croire que si l’on travaille vraiment, on peut y arriver. Pour moi, un-e comédien-ne sans talent ne peut pas faire illusion longtemps, même avec une plastique irréprochable.

 

Y a-t-il des acteurs-rices qui t’inspirent particulièrement, des réalisateurs-rices avec qui tu aimerais tourner ?

Énormément ! Quand on me pose cette question, j’ai tellement d’images et de musiques qui me viennent en tête et se mélangent, je ne sais même pas par qui commencer… Citons par exemple Meryl Streep. Cette actrice me fascine, son jeu me touche profondément, il est d’une grande sincérité et d’une telle justesse. Sinon, je pense à Alejandro González Iñárritu, Thomas Vinterberg… et surtout Xavier Dolan. Je suis particulièrement sensible à l’univers de ce réalisateur.

 

Quels sont les films que tu as préférés ces derniers mois ?

En 2015, sans hésiter, Birdman et Whiplash. Le second est une prouesse, tant dans la réalisation que le jeu des comédiens, la musique et la rythmique ! En 2014, j’ai eu deux autres gros coups de cœur : Mommy et le Sel de la terre.

 

Tu peux me parler de tes projets pour les mois à venir ?

En ce moment, je prépare un court-métrage. En parallèle, je viens d’enregistrer le doublage de Divergente 2, et des séries The Flash et How to get away with a murder. Côté théâtre, j’attends de savoir si nous allons reprendre la pièce que nous avions jouée au festival d’Avignon en 2014, La Rose jaune d’Isabelle Bournat, mise en scène de Jacques Connort (Comédie-Française). Pour finir, je vais enregistrer le livre audio du film Nos étoiles contraires, et je ferai partie du jury du Festival européen du court-métrage de Bordeaux, les 9 et 10 avril. Je suis honorée et vraiment impatiente d’y être !

 

Pour finir, comment vis-tu le fait d’être une femme au XXIe siècle ?

Pourquoi se contenter d’être une femme ?

 


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Image de Une : © Kasia Kozinski