Dans Mes 7 ex : Juliette, S. N. Lemoing explore les recoins ordinaires et familiers d’une psyché. Celle du personnage de Juliette, tantôt amoureuse, tantôt blasée, mais toujours emplie de doutes. La romance s’y révèle parsemée d’expériences et de réflexions pouvant faire écho à des fragments de vie communs, peut-être universels. Et elle est un outil inédit de déconstruction face aux commandements officieux de la société.

 

S’inspirant du genre de la chick litce parcours initiatique d’une Scott Pilgrim un poil plus triviale touche juste dans les détails du quotidien, petites pensées et autres fulgurances issues de son expérience. Pas question ici, comme dans la bande dessinée, d’une épopée épique du soupirant zélé, devant défier 7 ex forcément maléfiques. Pas question non plus d’une rivalité masculine, d’une compétition fun décernant un trophée de chair et d’os au plus « méritant ». Non. Juliette, seule, prend l’initiative de sortir de son marasme sentimental et des sables mouvants de sa zone de confort pour nous conter quelques épiphanies et rencontres aussi douces-amères qu’ordinaires, aussi intimes que familières.

Juliette a 32 ans et ne sait pas trop ce qu’elle fout là : ses études, son job de réceptionniste intérimaire, ses relations, rien n’est évident. Elle ne sait pas comment se comporter socialement, n’a pas beaucoup d’ami-e-s, n’a jamais été douée pour les romances, déteste son boulot, bref… c’est pas la joie. Ce qu’elle désire vraiment ? Être heureuse et épanouie, comme pas mal de monde. Quant au « comment », c’est toujours plus compliqué, sinon ce ne serait pas marrant.

Entre ce à quoi elle pense aspirer, le bourrage de crâne sociétal et les phrases bateaux que lui assène son entourage, là encore, difficile pour Juliette de s’orienter dans le labyrinthe sans craindre de croiser le Minotaure des injonctions. Par curiosité, mais aussi désespérée de ne pouvoir vaincre son immobilisme – et probablement avec une dose de masochisme –, elle décide de remonter le fil d’Ariane de ses romances et de recontacter un à un ses ex, fussent-ils de belles raclures.

Cette galerie éclectique de portraits la renvoie régulièrement dans les cordes de ses affres sentimentales et existentielles. Elle nous invite à en apprendre plus sur elle-même et sa vision des relations humaines. Éclaireuse − totalement partiale et faillible (mais qui ne l’est pas ?) − de son lectorat, elle relate à mesure qu’elle vit ou subit, comprend ou questionne, doute ou apprend. Parce que si être perdu-e est le plus universel des sentiments, se trouver reste hautement personnel, autant qu’obscur. Aussi, suivre son parcours de paumée et s’y retrouver peut toujours servir. Ou, à défaut, réconforter.

Juliette navigue de conclusions satisfaisantes en parcours existentiel du combattant plutôt gratifiant. Que l’autre (le fameux ex) ait stagné ou évolué dans sa vie, qu’elle puisse enfin lire entre ses lignes ou non, elle effectue un nouveau passage pour rééclairer son passé. Mieux informée et armée, sachant davantage qui elle est et ce qu’elle recherche, elle opte tantôt pour un vidage de sac jouissif, une évolution de ses préjugés, ou la conclusion qu’en effet, ce type continue à avoir la vivacité intellectuelle d’un bac de douche. Se parant au fur et à mesure de certitudes plus sereines, Juliette entreprend, en filigrane, de déconstruire ce que les structures de sa société lui ont inculqué pour se reconstruire empiriquement, imparfaitement, au mieux

Face à l’opacité des autres, aux impasses et à nos tâtonnements aussi bien physiques que symboliques, le hasard, la chance ou la confiance en soi se révèlent finalement être la pierre de touche d’une femme à l’intériorité crédible et attachante. Il est possible de regretter un récit précipité sur la forme comme le fond, ne prenant pas le temps de développer certains de ses personnages masculins, les meilleures amies de Juliette ou plusieurs situations. Pour autant, la paralysie de l’incertitude, les nombreux questionnements et la complexité des interactions sociales développent un royaume mental chez la narratrice que l’on se plaît à explorer et/ou (re)trouver

L’ensemble reste léger, très feel good, mais le livre s’habille de beaucoup de justesse. De ses réflexions adolescentes à ses errances adultes, Juliette rend très bien l’intériorité que nombre de personnes peuvent avoir, manipule avec perspicacité les pièces du puzzle censées construire l’immense édifice qu’est une personne.

Plus qu’un roman sur des ex, l’amour ou des événements « superficiels » d’une vie, Mes 7 Ex réussit cette représentation pointilliste d’une personnalité dans tous ses paradoxes, ses caprices, dans toutes ses mauvaises décisions, ses réalisations, ses peurs. Des intérieurs romancés se télescopent au sein d’un texte au style pouvant rebuter, mais recelant, après un peu d’insistance, une certaine douceur lancinante faisant se sentir moins seul-e. Et, après tout, n’est-ce pas toujours le but d’une lecture ?

 

Mes 7 ex : Juliette Couverture du livre Mes 7 ex : Juliette
Autoédition
07/08/2016
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S. N. Lemoing

À 32 ans, Juliette est toujours célibataire. Pour elle, qui aimerait fonder une famille, le temps presse. Elle a toujours eu comme principe de ne jamais donner de deuxième chance à un ex. Mais n'ayant rencontré personne d'intéressant depuis longtemps, c'est peut-être le moment de briser cette règle. Aurait-elle déjà rencontré l'homme de sa vie ? Que sont devenus ses ex ? Avec l'aide de ses amies, elle va faire le point sur sa vie amoureuse.