La question environnementale et écologique est centrale ces derniers temps, plus particulièrement depuis l’élection de Donald Trump qui, niant le réchauffement climatique, a pris soin de constituer un gouvernement à son image. À lire les journaux, le monde semble courir à sa perte, une destruction entraînée et provoquée par l’humanité elle-même. Une question se pose alors : peut-on encore sauver le monde ?

 

Le jeudi 26 janvier 2017, d’éminents scientifiques − dont 15 prix Nobel − ont avancé l’horloge de l’apocalypse de deux minutes et trente secondes avant minuit, invoquant entre autres la rhétorique et les actions du nouveau président américain, à la tête de la première puissance mondiale. « Ces scientifiques expliquent avoir avancé l’aiguille de l’horloge d’une demi-minute pour la simple raison que Donald Trump vient de devenir président », peut-on lire dans Le Monde.

Mais lorsque l’on parle de « sauver le monde », n’est-il pas en fait question de l’espèce humaine ? À part les militant-e-s écolo, il semblerait que la plupart des gens se fichent éperdument des arbres et des forêts, ainsi que des ours blancs sur leurs bouts de banquise (qui ne seront peut-être plus que des créatures fantastiques pour les prochaines générations).

On se préoccupe bien plus de notre propre sort, et l’on ne s’émeut pas des images d’animaux en souffrance diffusées au 20 heures, durant le dîner. Manger de la viande pendant que nous contemplons des sujets sur la maltraitance animale… Ne sommes-nous que quelques-un-e-s à voir là toute l’hypocrisie de notre espèce ?

Ce qui est sûr, c’est que la planète existera encore des millions d’années après nous, dans un autre état certainement, mais sur lequel nous n’avons en ces heures catastrophiques qu’une influence limitée mais importante. Ce que nous nommons la nature, comme si n’en faisions pas partie, nous survivra. Mais dans quelles circonstances ? Sûrement celles de l’existence des êtres vivants non-humains, animés ou non-animés, dont nous abusons et que nous abîmons quotidiennement.

 

Les écologistes, super-héros de l’ordinaire ?

La situation actuelle est intolérable. Nous exposons quelques banalités, dont le rappel est néanmoins nécessaire : la faune et la flore n’ont rien demandé, elles sont les victimes de nos agissements. La grande majorité des humain-e-s également d’ailleurs.

Être écologiste, c’est prendre conscience que le réchauffement climatique, la fonte des glaciers, certaines maladies et injustices sociales et économiques sont intrinsèquement liés à nos modes de vie et nos abus. Oui, on tire sur la corde. Oui, on est même en train de faire le nœud. Quelle est la prochaine étape ?

L’écologie serait donc la seule manière de réparer nos erreurs, se nourrissant d’une forme de culpabilité face aux gâchis passés. Elle serait la némésis d’un capitalisme consumériste qui n’en finit pas de s’étendre et de grossir, gavé qu’il est, jour après jour. C’est bien ce dernier qui est la cause de nos maux, depuis l’ère industrielle : développement des mines de charbon, premières usines, découverte des puits de pétrole, diversité des modes de transport… Sans parler de l’ère actuelle : mondialisation, consumérisme et obsolescence programmée.

Bien entendu, notre évolution est également synonyme de progrès. Mais les progrès de la médecine, scientifiques, technologiques et techniques ont un revers : ils sont bien souvent ce que l’on choisit d’en faire, et entre les mains des puissant-e-s, cela n’a rien d’utopiste ou de positif.

En parallèle de ces avancées, des besoins ont été créés pour faire fonctionner l’économie (c’est-à-dire l’enrichissement des un-e-s au détriment des autres). Nous sommes arrivé-e-s au stade où nous, humain-e-s, construisons des usines à bétail comme la ferme des mille vaches, sans que cela ne soit nécessaire pour notre (sur)vie.

Aujourd’hui, en France, manger bio, avoir un animal de compagnie ou porter des vêtements estampillés « bioéthique » fait partie des considérations d’une certaine catégorie de gens seulement, puisqu’il s’agit encore malheureusement de comportements rendus possibles grâce à une situation économique confortable… Je fais moi-même partie de cette catégorie et suis parfaitement consciente d’être privilégiée par rapport à d’autres, qui ne songent absolument pas à tout cela.

Dans le même temps, des personnes se regroupent dans des villages associatifs alternatifs ou des écolieux. Elles veulent vivre plus près de la nature, en consommant moins et mieux, de manière plus saine. Il existe des dizaines de communautés de ce type en France, qui ne sont pas toutes reconnues. Nous pouvons néanmoins citer une communauté de néo-hippies, installée en Ariège depuis 1977, Bio-Lopin, un écovillage à Saint-Maur dans le Jura, ou encore ÉCOlonie, un centre écologie européen installé dans les Vosges.

Malheureusement, ces initiatives locales, bien qu’elles aient tendance à se multiplier et à s’installer parfois dans le cœur des villes (le quartier libre des Lentillères à Dijon, en Bourgogne, par exemple), auront du mal à changer la face du monde au rythme de leur développement. Parce que l’autre versant de cette réalité est que le système nous dépasse. La grosse majorité des gens participent, souvent sans le vouloir – et c’est mon cas –, à l’exploitation animale, et à celles de nos congénères et de la nature, typiques du mode de production des produits à bas coût.

 

Sauvons l’humanité pour commencer

Avons-nous entamé le processus d’autodestruction ? L’humanité est en effet vouée à disparaître. Des scientifiques sonnent d’ailleurs l’alerte et parlent de « sixième extinction de masse ». Selon des universitaires américain-e-s, la planète est actuellement en train de perdre ses espèces animales à une vitesse exponentielle. Ce serait la première fois depuis l’extinction des dinosaures. Les humain-e-s, en tant que mammifères, feront probablement partie des espèces qui disparaîtront, explique Le Monde dans un article intitulé « La sixième extinction animale de masse est en cours ».

Dans le même article, il est dit que les causes de cette disparition sont notamment le changement climatique, la pollution et la déforestation. Gerardo Ceballos, de l’université autonome de Mexico, précise :

Si on permet que cela continue, la vie pourrait mettre plusieurs millions d’années à s’en remettre, et notre espèce même disparaîtrait probablement assez tôt. 

Serions-nous sadomasochistes en plus d’être (auto)destructeurs-rices ? Sans nous, la planète ressemblerait sûrement encore au jardin d’Eden, dans lequel tous les êtres vivraient en harmonie.

L’espace serait-il donc la réponse ? Il semblerait que ce soit le chemin que nous nous soyons décidé-e-s à prendre, si l’on en croit le projet de la société Mars One, qui prévoit d’envoyer des personnes vivre sur Mars dès 2032. De plus, on voit très régulièrement des articles relatant la découverte de nouvelles exoplanètes dites « habitables ». Sans entrer dans les détails, on peut tout de même souligner que des sommes d’argent considérables sont ainsi dépensées. Ceci dans un but purement scientifique ou potentiellement colonisateur ? Il semble que les deux ne soient plus indissociables aujourd’hui.

À l’instar des premiers-ères colonisateurs-rices européen-ne-s puis américain-e-s, l’humain-e n’a finalement jamais cessé de repousser plus loin la conquête des terres, en détruisant tout ce qu’il-elle pouvait sur son passage. Il semble qu’un schéma destructeur se répète à tous les niveaux de notre histoire, incapables que nous sommes de nous adapter au monde.

 

Un autre monde est possible

Avec Trump au pouvoir, nous sommes parti-e-s pour quatre années de retour en arrière, un vrai désastre sur l’action écologique à grande échelle − même si avant cela, nous étions néanmoins très loin d’une situation idéale sur le plan politique, ne nous y trompons pas. Trump ne croit pas au réchauffement climatique et a nommé un climatosceptique à la tête de l’Environmental Protection Agency. Avec la nouvelle politique de cette dernière, on s’attend à la reprise de l’exploitation des mines de charbon et la promotion du gaz de schiste, malgré les risques écologiques avérés.

Aujourd’hui, je n’ai pas envie d’être fataliste. J’aimerais que l’on change le monde, j’aimerais que l’on prenne conscience de nos ratages, de nos défauts et que l’on sache faire machine arrière. Non pas pour « sauver le monde », mais pour le sauvegarder, le protéger. Essayer tant bien que mal de limiter les dégâts, que nos erreurs soient source d’une réflexion pour aller de l’avant. Je crois qu’il est véritablement possible de modifier nos habitudes de consommation pour aller vers plus de modération.

Cela n’aura malgré tout aucun impact si nous ne sommes qu’une poignée à nous mobiliser. Si les puissances gouvernantes, les puissances économiques ne prennent pas le même chemin, en mettant de côté leur enrichissement. Si le monde capitaliste continue de creuser un fossé déjà profond entre les nanti-e-s et le peuple, qui ne peut que s’incarner dans une résistance populaire. Mais même cela manque d’ampleur, malgré l’urgence.

N’oublions pas que nous avons le pouvoir, que nous sommes plus nombreux-ses, que nous sommes souverain-e-s. Un autre monde est possible, et plus encore indispensable. L’écologie ne sauvera pas le monde − les écologistes non plus −, mais freinera peut-être notre autodestruction. Et surtout, elle permettra aux autres espèces de vivre en paix, à la nature de faire son travail merveilleux et fascinant, comme elle l’a toujours fait depuis 4,5 milliards d’années.

 


Image de une : © Steve Adams