Prof de yoga, d’anglais, de théâtre et activiste, Nicole Zaccaria est une femme à plusieurs casquettes qui ne se contente pas du statu quo. Récemment, elle a créé l’association caritative Funds 4 Femmes, dont l’objectif est de distribuer des produits d’hygiène féminine réutilisables aux femmes dans la rue, qui doivent souvent choisir entre un tampon et un repas lorsqu’elles ont leurs règles. Deuxième Page s’est entretenu avec elle et a discuté de son initiative, de ses sources d’inspirations et de solidarité féminine !

 

Quel est votre parcours et comment vous êtes-vous intéressée aux droits des femmes ?

Les professions créatives m’ont toujours attirée. Pendant six ans, j’ai été créatrice chez Victoria’s Secret pour leurs lignes de vêtements fitness et yoga, puis je suis devenue prof de yoga. Le mode de vie qui entoure la pratique du yoga m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses, et l’étape suivante était de m’impliquer dans la société civile. Nous vivons dans un monde où certaines personnes détiennent beaucoup de biens, tandis que d’autres n’ont rien. C’est absurde que certain-e-s soient dans le besoin, alors qu’il y a une abondance de produits, de nourriture et d’argent tout autour de nous. J’ai lu l’autre jour une phrase qui disait que trop de personnes cherchent la réussite à tout prix ; il nous faut des personnes qui veulent apporter la paix. C’est ce en quoi je crois.

Puisque j’avais une flamme féministe en moi depuis mon enfance, c’est tout naturellement vers cette cause que j’ai concentré mes efforts. De manière plus générale, je suis sensible aux injustices quotidiennes, et j’ai envie de pouvoir trouver des solutions, d’être une personne active de la société. En ce moment, je dirige cette énergie vers les droits des femmes SDF grâce à Funds 4 Femmes.

 

Comment le yoga s’articule-t-il autour de cette idée de justice sociale et de communauté qui vous tient tant à cœur ?

Le groupe de yoga que j’ai créé, Pop Up Yoga Paris, est inscrit sur la plate-forme Meet-up in Paris. Il s’agit d’un réseau qui vise à rapprocher des personnes qui ont des intérêts et des valeurs similaires, et donc à créer une communauté. Partant de là, la manière dont je perçois cette pratique est étroitement liée à la solidarité et l’entraide. Les valeurs du yoga ne s’arrêtent pas au cercle restreint d’un cours de fitness, elles s’expriment aussi dans la vie du quartier, de la ville, et c’est ainsi que j’incite mes élèves à participer à la société civile, notamment avec l’initiative Funds 4 Femmes.

Mais il y a autre chose de particulier dans le yoga. Quand une personne s’intéresse à cette discipline, dans beaucoup de cas, c’est pour trouver un sens plus large à sa vie, pour s’occuper d’autre chose que de son nombril. Nous créons ainsi une sorte de communauté d’entraide, d’acceptation de soi et des autres, et cela passe aussi, à mon sens, par la solidarité. L’hygiène féminine, c’est une cause qui parle aux gens, qui est facile à comprendre et, à mon avis, à appliquer si chacun-e y met du sien.

Les bénévoles de Pop Up Yoga en mission pour distribuer des produits hygiéniques aux femmes migrantes le 14 février 2016.

 

Parlez-nous de Funds 4 Femmes. Pourquoi vous êtes-vous intéressée aux femmes de la rue plus particulièrement ?

Funds 4 Femmes est une association caritative qui distribue aux femmes SDF des produits d’hygiène féminine de première nécessité réutilisables et écolos. L’association est opérante à New York et Paris, parce que ce sont deux villes que je connais très bien, mais aussi parce que ce sont des villes sœurs, ce qui permet d’insister symboliquement sur la solidarité féminine et la sororité dans ce projet. J’ai lancé cette initiative parce que je pense que les règles des femmes sans-abri relèvent de la santé publique. Le fait que l’on n’ait pas tou-te-s accès à ces produits d’hygiène de base est tout à fait ridicule, et pourtant facile à vaincre ! Aujourd’hui, nous avons des produits comme les cups par exemple, qui peuvent durer toute une vie, ne nuisent pas à l’environnement et aident les femmes à prendre soin de leur santé sur le long terme. Le silicone dont sont fait les cups est un matériau antibactérien, donc son utilisation réduit les risques d’infections. Elles sont en outre faciles à laver et réutilisables. Cela aide les femmes à ne plus être dépendantes des produits d’hygiène féminine, à ne pas être obligées d’en racheter à chaque cycle, puisqu’une cup est réutilisable quasiment à vie !

Alors que ces produits existent et que nous vivons dans une société abondante, une société riche, il est insupportable que des femmes aient à choisir entre un tampon et un repas, entre prendre soin de leur hygiène tous les mois ou manger.

 

Comment est-ce que Funds 4 Femmes a débuté ? Quels sont vos projets ?

Nous avons lancé notre première initiative il y a quelques mois. Avant cela, nous nous étions organisé-e-s avec des bénévoles de Pop Up Yoga pour faire de la distribution sauvage de produits d’hygiène féminine dans la rue, en ciblant spécifiquement les migrantes qui étaient arrivées au début de la crise syrienne. Le problème, c’est que nous ne savions pas exactement où trouver les femmes et les filles. Souvent, les femmes et les enfants migrant-e-s sont pris en charge, donc on se retrouvait dans des camps où il y avait surtout des hommes qui n’avaient pas besoin de nos produits !

C’est là que nous avons décidé de contacter une poignée d’associations caritatives qui œuvrent déjà pour les personnes à la rue, afin qu’elles puissent distribuer des produits d’hygiène aux femmes SDF. Nous les avons choisies avec beaucoup de vigilance, pour être sûr-e-s que nos produits seraient bel et bien distribués. Ainsi, nous travaillons principalement avec le Planning familial à Paris et l’association WIN à New York. Pour les femmes qui ne parlent pas forcément français, les produits sont fournis avec un petit manuel illustré très parlant et qui est censé les aider à s’en servir. Afin d’être les plus transparent-e-s possible sur nos fonds, nous avons aussi recours au crowdfunding sur Gofundme.com pour recevoir des donations.

 

En France, les tampons, les cups ou encore les serviettes ne sont pas considérés comme des produits de première nécessité. Qu’en pensez-vous ?

Ce qui est fou dans ces considérations sexistes, c’est que si l’on met de côté le genre, on se rend compte qu’il s’agit non seulement d’une question de santé féminine, mais aussi d’une question de santé publique au sens large. Plus de la moitié de la population est constituée de femmes, dont le corps est fait de telle manière que nous avons des besoins particuliers. Malgré cette majorité, nos besoins ne sont pas considérés comme assez importants pour être de première nécessité. Quand on y pense, c’est complètement fou !

 

Quelles sont les femmes qui vont inspirent ?

C’est très difficile d’en choisir seulement une ou deux ! Je pense surtout à Oprah Winfrey et à la poétesse Maya Angelou. Ce sont des femmes qui avaient beaucoup d’obstacles devant elles et qui, malgré tout, ont réussi à faire avancer les choses, à changer le monde autour d’elles. J’ai envie que Funds 4 Femmes aient cet « effet Oprah », ce serait génial !

 

Comment est-ce que nos lecteurs et lectrices peuvent aider l’association ?

Il y a mille manières de nous soutenir ! Si vous êtes intéressé-e-s par le yoga, Pop Up Yoga organise des cours en plein air cet été, dont l’intégralité des bénéfices sera reversée à Funds 4 Femmes. Vous pouvez sinon faire des dons en ligne − même une petite somme peut suffire à aider une femme SDF. Si vous connaissez des entreprises de produits d’hygiène féminine qui aimeraient nous soutenir ou des structures intéressées par un partenariat, cela nous aiderait grandement. Et si vous avez d’autres idées, n’hésitez pas à nous contacter, nous sommes preneurs-ses ! Ce sont les petites contributions qui font avancer les grandes causes.

 


Image de une : Portrait de Nicole Zaccaria. © Stéphane Planchon