Il y a des soirs où, au lieu de se détendre après une longue semaine, le cerveau pense à l’inévitable et se demande s’il sera capable de s’en remettre. Un Mémorandom difficile, et intime.

 

Les films sur la vieillesse me touchent profondément, sans que je puisse expliquer pourquoi. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps devant Song for Marion, j’ai tremblé devant L’échappée belle. C’est loin pourtant, le passé qui prend toute la place, le corps qui s’affaiblit, la mémoire qui s’emballe, la mort comme seul avenir proche. Je me demande à chaque fois ce que ressentent les personnes âgées devant ces récits qui racontent un vécu auxquels elles et ils peuvent s’identifier. Je me demande ce que ressent mon père, ce que ça lui inspire, à quel point ça l’émeut. Se voit-il à leur place ? A-t-il l’impression qu’il n’est pas aussi vieux que ça ?

Pour mes parents, la mort n’est pas un tabou. Je sais qu’il et elle veulent mourir dans la dignité et ce qu’il faut faire de leurs dépouilles. Mon père m’a demandé comment rédiger ses directives anticipées. Bref, il n’y a pas de problème pour en parler. Il et elle estiment le nombre d’années qui leur reste à vivre, avec une certaine lucidité.

Et moi… Je sais que cela va arriver, que c’est dans l’ordre des choses, et que le temps qui passe nous rapproche du moment où nous ne serons plus ensemble. Ce n’est rien de grave. Pourtant, chaque fois que j’y pense un peu trop – au moment où j’écris ces lignes, je panique. Je me demande réellement comment je vais survivre à leur disparition. Nous passons tous-te-s par là, ce n’est pas exceptionnel, leur mort ne changera pas plus le monde que celle des autres. Elle changera juste mon monde. Et je ne suis pas prête.

Dans Black Panther, T’Chaka dit qu’un père qui n’a pas préparé ses enfants à sa mort a manqué à ses devoirs. Je ne crois pas que mes parents aient manqué à leurs devoirs. Il et elle ont fait quelques erreurs, bien sûr, mais ça n’a pas d’importance. Ce sont les meilleurs parents, point. Et un jour il et elle ne seront plus là. Je ne peux rien y faire. Je peux simplement profiter de leur présence, de leur amour, des repas partagés, des fous rires, de leur tendresse, de tout ce qu’il et elle m’apportent encore chaque jour.

Simba, dans Le Roi Lion, pense que ses ancêtres se transforment en étoiles. Enfant, j’avais très sérieusement expliqué à mon père que les gens continuent à vivre dans le cœur de celles et ceux qui les aiment, puis dans le cœur de celles et ceux qui aiment celles et ceux qui les aiment, et ainsi de suite. J’espère avoir raison.

 

D’un amour aussi tendre
Aurez-vous su m’apprendre
Peu à peu
À vous dire adieu ?

 

Œuvres citées :

  • Song for Marion, réalisé par Paul Andrew Williams, 2013
  • L’échappée belle, réalisé par Paolo Virzì, 2018
  • Black Panther, réalisé par Ryan Coogler, 2018
  • Le Roi Lion, réalisé par Rob Minkoff et Roger Allers, 1993
  • « Entre vous deux », Nos rêves, Lynda Lemay, 1990