L’on peut porter un fardeau des années durant et s’en défaire soudainement, presque par hasard. C’est ce qui est arrivé à Cielle qui, un matin, a retrouvé toute sa légèreté.

 

C’est fou comme la douleur s’arrête – alors qu’on la croyait accrochée au cœur pour les siècles à venir. C’est fou comme le passé s’efface – quand on pensait qu’il durerait toujours.

Je suis surprise chaque fois que je me rends compte que je marche avec légèreté et qu’ont disparu au creux de moi l’attente et le manque, la colère et la passion.

Je cherche parfois à retrouver ces émotions, mais elles se sont tellement atténuées que j’ai du mal à comprendre comment j’ai pu souffrir autant, et ressentir à en perdre haleine.

Et pourtant, il y avait dans mon ventre des nœuds bien trop serrés qui promettaient de tenir jusqu’au bout. Pendant des années, je les ai sentis se tendre dans tout mon corps, ne me laissant aucun répit. J’ai parcouru des kilomètres de vie manquée, persuadée de n’être pas assez bien et désespérée de ne jamais trouver sur mon chemin un cœur ami. J’ai aimé beaucoup et j’ai perdu souvent. Et j’ai eu mal, profondément, puis plus doucement ; un arrière-plan discret mais bien présent, aux couleurs tantôt éclatantes tantôt pastel, indélébiles. Persuadée que si le temps calme les blessures, il n’efface rien, et que les plaies restent à vif pour toujours.

Et voilà qu’un beau jour, il n’y a plus rien que mon souffle apaisé. Les angoisses se sont tues, m’offrant un doux silence dont je n’osais plus rêver. Même les cicatrices ont disparu.

Le temps a tant passé qu’il a fini par défaire, maille après maille, ce chagrin trop grand pour moi. Me voici presque nouvelle, tout étonnée d’avoir surmonté les obstacles. Me voici libre enfin de respirer comme je l’entends ; et presque à court de mots pour exprimer, si ce n’est le bonheur, la satisfaction certaine de me sentir à nouveau bien, sans arrière-pensée, sans sursaut. Juste moi.

 

Œuvres et lieux cité-e-s :

  • « Sur toi », La Zizanie, Zazie, 2001
  • Pour les siècles des siècles, Anne Plantagenet, 2008
  • Les Déferlantes, Claudie Gallay, 2008
  • Je ne suis pas amoureuse, Anne Casanova, 2003

 


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