L’année 2019 a vu fleurir son lot de séries, bonnes et moins bonnes. Chez Deuxième Page, on en a regardé pas mal et on en a sélectionné 14 à voir absolument. De divers formats et styles, elles sont toutes porteuses de messages politiques forts et font appel à notre conscience. Une liste à l’image de notre équipe et de nos engagements.

 

Le nombre de nouvelles séries sorties en 2019 a de quoi filer le tournis. Même pour les adeptes les plus dévoué-e-s, le rythme est intenable. Lorsque l’on se lance dans un show, il vaut mieux savoir où l’on met les pieds. Cela demande de suivre l’actualité pop culturelle, et donc d’avoir du temps. Aujourd’hui, la qualité se noie dans la quantité, et l’on doit plus que jamais faire marcher notre esprit critique pour faire le tri. Heureusement, chez Deuxième Page, la collectivité fait notre force. Une nouvelle fois, on te propose une sélection variée de séries à découvrir, que l’on a pris plaisir à regarder cette année. Ce qui ressort de notre top ? L’engagement politique de nos choix. Quel que soit le format, on retrouve au cœur de ces créations des commentaires sociaux puissants, et beaucoup de ces récits font appel à notre conscience, questionnent notre place dans le monde. Ils explorent des thématiques diverses, de la justice à l’histoire, en passant par la communauté et la culture. Tu pourras donc piocher ici parmi des œuvres multiples, au ton parfois humoristique, parfois sérieux, mais toujours portées par une volonté similaire : celle de partager un véritable propos, de faire passer un message. Alors, s’il est vrai que l’on ne sait plus où donner de la tête face à cette affluence de séries, prendre un moment pour s’arrêter sur certaines d’entre elles peut être source d’un grand enrichissement personnel. Avec cette liste, on peut te l’assurer : tu trouveras ton bonheur sans avoir à chercher !

Watchmen, saison 1
Years and Years, saison 1
Dans leur regard (When They See Us), minisérie
Fleabag, saison 2
Euphoria, saison 1
One Day at a Time, saison 3
Jane the Virgin, saison 5
The OA, saison 2
Killing Eve, saison 2
Les Chroniques de San Francisco, minisérie
Why Women Kill, saison 1
Unbelievable, minisérie
BoJack Horseman, saison 6
Les Filles du rink, saison 1

Il suffit de cliquer sur le nom de la série pour accéder directement à sa chronique. 

 

Watchmen, saison 1

par Annabelle Gasquez

Watchmen, créée par Damon Lindelof, 2019. © HBO

Watchmen est un chef-d’œuvre. Surréaliste, brutale, enragée, magnifique et grandiose, la dernière série de Damon Lindelof (connu pour Lost et The Leftovers) est l’adaptation très libre du comics iconique d’Alan Moore et Dave Gibbons. Non seulement, le show s’attaque à un ouvrage que beaucoup considèrent comme intouchable, mais il a en plus le culot d’en faire quelque chose de différent, d’actuel. C’est aussi subversif que brillant, étripant un épisode après l’autre la figure moderne du super-héros et ce qu’elle représente : la violence, la masculinité, la blanchité, le privilège. Watchmen raconte avec minutie le mensonge du récit national étasunien, dont le racisme est la solide fondation. Son intrigue prend pour point de départ le traumatisme de populations entières, enfoui et effacé de l’histoire. La série s’ouvre ainsi sur le massacre de Tulsa en 1921, l’un des événements les plus violents et méconnus du pays − et pourtant bien réel. La première saison est construite autour du personnage de Sister Night (incarnée par la remarquable Regina King) et sa famille, dont l’héritage est le trauma laissé par cette Amérique blanche qui a opprimé les sien-ne-s durant des générations. En faisant de l’identité noire le cœur de son propos, le show est finalement au plus proche de sa source littéraire, puisqu’il s’agit d’une satire frontale dissertant sur les dangers de ces justiciers autoproclamés que l’on vénère, des idéaux fascisants qu’ils portent, mais aussi des illusions qui entourent le concept même de pouvoir. Watchmen pose une question profonde : qu’est-ce que la justice ?

Watchmen, créée par Damon Lindelof. Avec Regina King, Don Johnson, Tim Blake Nelson, Yahya Abdul-Mateen II, Andrew Howard… En France, la série est disponible sur OCS.

 

Years and Years, saison 1

par Annabelle Gasquez

Years and Years, créée par Russell T Davies. © BBC One

La science-fiction est intrinsèquement liée à l’anticipation. À quoi ressemblera l’avenir ? Les événements sont généralement lointains, et cela crée une distance dans l’appréhension de ce qui est dépeint. Ce qui est imaginé nous paraît impossible, hors de notre portée. Years and Years va à l’encontre de cette tendance. Le show nous plonge dans un futur très proche, dont le socle est enraciné dans notre réalité. Tout est reconnaissable, concevable. La fiction spéculative devient ainsi quasi concrète. La montée de l’extrême droite et du fascisme, l’influence de la technologie, l’échec du capitalisme : ces choses font partie de notre réalité, et de celle des Lyons dans la série. Le talent de Russell T Davies, créateur et scénariste de Years and Years, est de nous plonger dans le quotidien d’une famille. L’histoire, que l’on aime à habiller d’un « h » majuscule, les impacte directement. L’intime fait battre le cœur du récit et établit un lien solide avec le public, rendant l’horreur des situations d’autant plus asphyxiantes. Le pire que nous puissions faire, tandis que nos sociétés s’écroulent et que la sixième extinction de masse est enclenchée, serait de normaliser ce qu’il se passe. Ici, alors que les personnages acceptent les changements progressifs du monde autour d’eux, nous aimerions pouvoir intervenir. Réagir. Mais nous sommes spectatrices et spectateurs du chaos, et ce sentiment d’impuissance nous ramène à nous-mêmes. Qu’attendons-nous pour être les protagonistes de nos propres vies ?

Years and Years, créée par Russell T Davies. Avec Emma Thompson, Rory Kinnear, Russell Tovey, T’Nia Miller, Jessica Hynes… En France, la série est disponible sur les plates-formes de VOD d’Orange, TF1 et Canal+.

 

Dans leur regard (When They See Us), minisérie

par Cielle

Dans leur regard (When They See Us), créée par Ava DuVernay, 2019. © Netflix

When They See Us raconte l’histoire terrible et vraie de cinq adolescents racisés accusés de viol en 1989 et condamnés l’année suivante. Pourtant innocents, ils incarnent l’archétype de l’agresseur parfait – noir ou hispanique – aux yeux de la police, laquelle n’hésite pas à leur soutirer des aveux sous la menace. Malgré les incohérences pointées par les avocats de la défense lors du procès, le jury les déclare coupables. Ils passent alors plusieurs années en prison. Plus de dix ans après, le véritable violeur se dénonce. Désormais adultes, ils peuvent alors, dans la mesure du possible, reprendre le cours de leur vie. En quatre épisodes, longs et intenses, Ava DuVernay nous fait vivre l’arrestation et les interrogatoires, le procès, la vie carcérale de ces enfants qui grandissent enfermés, la difficile réinsertion et l’annulation de leur déclaration de culpabilité. Ces quelques heures nous entraînent dans les tréfonds du racisme systémique et de la violence policière aux États-Unis, dans la réalité brutale de la prison, dans l’impuissance des jeunes et de leur famille qui se débattent contre l’implacable système. La réalisatrice signe une œuvre magistrale, esthétique et puissante, dont on ne ressort pas indemne. On a envie de pleurer et de tout casser, de changer le passé, de sauver ces garçons. Mais la seule chose que nous pouvons faire désormais, c’est d’en parler, pour leur rendre leur voix, pour que cela ne se reproduise plus. Pour qu’on les regarde réellement. Enfin.

Dans leur regard (When They See Us), créée par Ava DuVernay. Avec Asante Blackk, Caleel Harris, Ethan Herisse, Jharrel Jerome, Marquis Rodriguez… En France, la minisérie est disponible sur Netflix.

 

Fleabag, saison 2

par Annabelle Gasquez

Fleabag, créée par Phoebe Waller-Bridge, 2016-2019. © Amazon Prime Video

Trois ans après une première et exceptionnelle saison, Fleabag a fait un retour fracassant sur les écrans. Cet essai filmique sur le deuil n’avait pas besoin de conclusion, et pourtant, la suite s’est imposée comme une révélation. La série nous remet sur les pas de sa protagoniste, plus dépressive, hilarante, irrévérencieuse, vulnérable et brillante que jamais : interprétée par Phoebe Waller-Bridge (la créatrice du show), Fleabag est désormais sur le chemin de la reconstruction pour apprendre à vivre avec elle-même, s’accepter et se pardonner. Le premier épisode s’ouvre sur un repas de famille iconique, lors duquel elle fait la rencontre d’un très mystérieux prêtre (ou « Hot Priest » pour les intimes), joué par Andrew Scott. Elle s’éprend immédiatement de lui, ou, en tout cas, de ce qu’il représente : un interdit et une échappatoire. « C’est une histoire d’amour », nous affirme-t-elle l’œil malicieux en brisant le quatrième mur. Mais c’est aussi une réflexion sur la religion, le sexe, la solitude, le désir, la foi et le célibat. Fleabag trouve sa force dans la voix de son (anti)héroïne, si distincte et mordante. On navigue entre tragédie et comédie à un rythme effréné, sans avoir le temps de comprendre notre bouleversement. Après une saison entière sur fond de déni et de fuite, se concluant par un grand dévoilement, cette seconde (et probablement la dernière) s’attaque au contraire à la difficulté d’affronter la vérité, la sienne et celle des autres, et décortique ce que l’acceptation implique sur le long terme.

Fleabag, créée par Phoebe Waller-Bridge. Avec Phoebe Waller-Bridge, Sian Clifford, Olivia Colman, Bill Paterson, Andrew Scott… En France, les saisons 1 et 2 sont disponibles sur Amazon Prime Video.

 

Euphoria, saison 1

par Jessica Binois

Euphoria, créée par Sam Levinson, 2019. © HBO

Euphoria, c’est le teen drama version HBO. Avec son esthétisme poussé à l’extrême (dans la photographie, les looks, ou encore le maquillage), la série raconte la longue traversée d’une adolescente dépressive, Rue (ensorcelante Zendaya), qui lutte contre sa dépendance aux drogues dures. Alors qu’elle sort de cure de désintoxication, elle rencontre Jules (brillante Hunter Schafer), jeune femme transgenre dont elle tombe éperdument amoureuse. À travers le personnage de Rue, le showrunner Sam Levinson, ancien toxicomane, montre les dégâts que l’addiction peut provoquer sur les personnes concernées, ainsi que sur leur entourage. Chaque épisode étant centré sur l’un-e de ses camarades, on comprend rapidement que chacun-e est tout aussi perdu-e qu’elle. Certes, on tombe souvent dans les clichés, comme avec Cassie, gênée par son hypersexualisation, Nate, le bully du lycée, ou encore Kat, considérée comme trop grosse pour être désirable et qui va se réapproprier son corps en devenant camgirl. Mais les sujets sont plus complexes qu’il n’y paraît. Ce que l’on pourrait d’abord percevoir comme des scènes gratuitement violentes ou aguicheuses se transforment en situations plus nuancées. Mention spéciale à la bande-son, qui nous transporte dans cette ruée fantastique, et à la scène de fin, à la fois émouvante et entêtante, qui marque longtemps les esprits. Attention néanmoins, Euphoria peut être dérangeante et n’est pas forcément à mettre devant tous les yeux.

Euphoria, créée par Sam Levinson. Avec Zendaya, Maude Apatow, Angus Cloud, Eric Dane, Alexa Demie… En France, la série est visionnable sur OCS.

 

Au fil des jours (One Day at a Time), saison 3

par Dounia Bendouma

Au fil des jours (One Day at a Time), développée par Gloria Calderon Kellett et Mike Royce, 2017-2019. © Netflix

Le 8 février dernier marquait le retour de notre sitcom préférée, pour une troisième saison pleine de vie : One Day at a Time. On y suit toujours les aventures de la famille Alvarez, américaine d’origine cubaine : Penelope, incarnée par la géniale Justina Machado, mère célibataire et ex-militaire, décide de reprendre des études pour devenir infirmière, tout en acceptant de soigner son trouble de stress post-traumatique dû à son service dans l’armée, malgré la lenteur de la bureaucratie. Sa mère, Lydia, entend jouir pleinement de sa vieillesse et refuse d’écouter les médecins. Quant à ses enfants, Elena profite de sa jeunesse et découvre les joies de l’amour avec sa petite amie, Syd, tandis qu’Alex, en bon adolescent, tente de nouvelles expériences qui ne font pas toujours plaisir à sa mère. Bien sûr, la famille est accompagnée de Schneider, le voisin et cher ami qui trouve enfin l’amour… La sitcom demeure habile dans sa représentation de personnages authentiques, touchants, auprès desquels on se sent bien. Elle nous prouve de nouveau qu’une comédie peut aborder des sujets sérieux et engagés, comme l’homosexualité, l’immigration, la gentrification, ou encore la dépression et la vieillesse. One Day at a Time nous fait passer du rire aux larmes, avec une sensibilité touchante, et l’on en redemande. D’ailleurs, les fans de la série ont aussi connu cet ascenseur émotionnel, lorsque Netflix a annoncé son annulation, mais que, grâce à une mobilisation de leur part, la petite chaîne du câble Pop TV a indiqué qu’elle produirait une saison 4 !

Au fil des jours (One Day at a Time), développée par Gloria Calderon Kellett et Mike Royce. Avec Justina Machado, Todd Grinnell, Isabella Gomez, Marcel Ruiz, Stephen Tobolowsky, Rita Moreno… En France, la série est disponible sur Netflix.

 

Jane the Virgin, saison 5

par Raphaëla Icguane

Jane the Virgin, développée par Jennie Snyder Urman, 2014-2019. © The CW

Toutes les bonnes choses ont une fin, et il faut se satisfaire d’une dernière saison rondement menée, fine et hilarante. Les tourments qui agitent nos personnages préférés ne sont pas près de s’interrompre. Parmi les décisions lourdes, les déconvenues s’accumulent. Jane, incarnée par Gina Rodriguez, fait face à l’inconcevable : le retour parmi les vivant-e-s de son époux, dont elle a fait le deuil cinq ans auparavant. Comment donner du sens à cet événement qui bouleverse ses plans, ses émotions et ses certitudes ? C’est à elle-même que Jane fait face, mais aussi au rejet de Rafael, las, et de leur fils Mateo qui repousse sa mère, dépassé par la situation. Le couple découvre qu’être coparent-e-s n’est pas aisé, malgré son désir de faire au mieux. Autour de Jane, tou-te-s sont tourmenté-e-s. De déceptions en choix décisifs, son père, sa mère ou encore Alba naviguent, et s’accrochent. Les épreuves forgent les relations et renforcent les liens entre les individu-e-s, comme le prouve Petra et sa volonté de changer, coûte que coûte, pour reconquérir son aimée. Nous découvrons que la vraie magie de l’amour, c’est bel et bien le travail, la persévérance et le respect. Encore une fois, la telenovela fait place à la sensibilité et aux émotions, nous transporte de la joie à la stupeur, saupoudrant juste assez de magie pour embellir notre quotidien. Petit bonus : l’avant-dernier épisode est une émouvante plongée dans les coulisses de la série.

Jane the Virgin, développée par Jennie Snyder Urman. Avec Gina Rodriguez, Andrea Navedo, Yael Grobglas, Justin Baldoni, Ivonne Coll… En France, la série est disponible sur Netlfix.

 

The OA, saison 2

par Nina Hedgsworth

The OA, créée par Brit Marling et Zal Batmanglij, 2016-2019. © Netflix

La première saison de The OA nous avait tenu-e-s en haleine, prenant la forme d’un voyage initiatique et introspectif. On y suivait l’histoire de Prairie Johnson (Brit Marling, également cocréatrice de la série), de retour dans la ville de ses parents d’adoption après sept ans passés sans donner signe de vie. On découvrait alors sa véritable identité. Dans cette deuxième saison, l’Ange Originel (AO) réussit à passer dans une autre dimension, où elle vit sous son nom de naissance, Nina Azarova. Elle retrouve ses quatre ancien-ne-s camarades, et tou-te-s vivent de nouveau l’expérience de l’enfermement. Mais un nouveau protagoniste, le détective privé Karim Washington, enquête sur la disparition d’une certaine Michelle et un étrange jeu vidéo. Trimballé-e-s entre un hôpital psychiatrique, des milieux underground et une maison mystérieuse, on est une nouvelle fois happé-e-s par des atmosphères de film noir, de rêve ou de cauchemar éveillé, teintées de blanc, de noir et de rouge. La réappropriation d’une identité nouvelle par l’AO est aussi l’occasion d’une mise en abyme du travail d’acteur-rice et du cinéma, montrant le déploiement de réalités alternatives à la nôtre. On s’attache à tous ces destins que l’on emporte avec soi, comme autant de questions jamais résolues. Et ces questions non résolues, ces rebondissements aux dénouements aussi nombreux qu’hétérogènes nous laissent sans voix, sur notre faim. Malheureusement, Netflix a annulé la série après la saison 2.

The OA, créée par Brit Marling et Zal Batmanglij. Avec Brit Marling, Emory Cohen, Scott Wilson, Phyllis Smith, Alice Krige, Patrick Gibson… En France, la série est disponible sur Netflix.

 

Killing Eve, saison 2

par Lisa Durand

Killing Eve, créée par Phoebe Waller-Bridge, 2018-2019. © BBC America

Eve vs. Villanelle : round 2. Pour cette nouvelle saison, Phoebe Waller-Bridge, la créatrice de Fleabag, a délaissé le navire au profit d’une nouvelle showrunneuse, l’Anglaise Emerald Fennell, à qui incombait la lourde tâche de valider le potentiel de la série en s’attelant à la saison 2, celle de la confirmation. Le pari n’est pas totalement réussi, mais on reste fasciné-e-s par le duo formé par Sandra Oh et Jodie Comer. Dans la saison 1, après un jeu tendu du chat et de la souris, Eve coinçait Villanelle dans son appartement parisien pour un final sanglant d’érotisme, où l’enquêtrice poignardait la tueuse à gages. Cette nouvelle saison reprend directement après ce cliffhanger impitoyable. Leurs plaies pansées, Eve et Villanelle se lancent alors dans une nouvelle traque, virant au duel amoureux et mortifère. C’est là qu’échoue Fennell, rendant ses huit épisodes lourds et froids. On s’oriente vers les sentiers balisés du polar nordique, où Villanelle, toujours capricieuse et orgueilleuse, force le trait de sa monstruosité. Sa féminité, manifeste, est montrée comme une forme de déviance. Malgré cela, Jodie Comer sauve heureusement son personnage et étoffe, avec un plaisir palpable, l’héroïne. La formidable Sandra Oh n’est pas en reste et explore une Eve toujours plus troublée et troublante. Le final demeure explosif, et la saison trois est déjà sur les rails, avec une autre showrunneuse, Suzanne Heathcote, et une nouvelle venue au casting, la Française Camille Cottin.

Killing Eve, créée par Phoebe Waller-Bridge. Avec Sandra Oh, Jodie Comer, Fiona Shaw, Darren Boyd… En France, la série est diffusée sur Canal+ Séries.

 

Les Chroniques de San Francisco, minisérie

par Éléa Pires

Les Chroniques de San Francisco, développée par Lauren Morelli, 2019. © Netflix

Les Chroniques de San Francisco est la suite de l’adaptation télévisée des romans éponymes d’Armistead Maupin, dont les trois premières saisons sont sorties en 1993, en 1998 et en 2001. Netflix fait revivre cette série culte en gardant les mêmes personnages et acteurs-rices, et le résultat est au rendez-vous. C’est à Lauren Morelli, scénariste de l’excellente Orange is the New Black, que l’on doit l’écriture de ces 10 épisodes. La série relate l’histoire de Mary Ann, de retour à San Francisco après plus de vingt ans d’absence pour célébrer les 90 ans d’Anna Madrigal, propriétaire du 28 Barbary Lane, où résident les protagonistes. Menant de front sa brillante carrière et son mariage bancal, elle doit ainsi renouer avec ses ancien-ne-s proches, dont son ex-mari Brian et sa fille Shawna, ce qui n’est pas une mince affaire. L’un des points forts de cette série haute en couleur est sa très belle représentation de la communauté LGBTQIA+ et de ses combats passés et présents. Le show touche à de vrais sujets de fond, comme la transphobie, le racisme et les violences policières, mais son fil rouge demeure l’amour qui unit les personnages et les lie à Anna et à Barbary Lane, dont l’héritage est immense, précieux. C’est cet amour qui leur permet de rester forts et soudés envers et contre tout. Une œuvre pleine d’émotion, d’intelligence et de diversité, servie par un casting au top, à binge-watcher d’urgence !

Les Chroniques de San Francisco, réalisée par Alastair Reid. Avec Olympia Dukakis, Donald Moffat, Chloe Webb, Laura Linney, William Campbell… En France, la minisérie est disponible sur Netflix.

 

Why Women Kill, saison 1

par Jade Domingos

Why Women Kill, créée par Marc Cherry, 2019. © CBS All Access

Créateur et scénariste de la cultissime Desperate Housewives, Marc Cherry a fait son retour en grande pompe cette année avec une nouvelle série dotée d’un potentiel dramatique tout droit sorti d’une telenovela. Why Women Kill est suffisamment riche en rebondissements et en surprises pour donner envie d’y revenir semaine après semaine. Portée par les incroyables Ginnifer Goodwin, Kirby-Howell Baptiste et Lucy Liu, elle conte l’histoire de trois femmes habitant la même maison, mais à trois époques différentes, chacune rencontrant des problèmes dans son mariage. On ne se lasse pas de ce concept, pourtant si simple, qui permet d’explorer ce qu’être une femme – en l’occurrence, cisgenre et plutôt aisée – implique en 1963, en 1984 et en 2019. On découvre les différences qui distinguent ces trois figures représentatives de leur temps, mais l’on s’attarde également sur leurs similitudes. À l’image des autres créations de Cherry, le lieu de vie des protagonistes a un impact sur leur évolution, et la maison devient un personnage à part entière. D’ailleurs, l’exceptionnelle direction artistique de la série crée pour chaque époque un microcosme réaliste et attachant. Avec une touche d’humour toujours opportune, le show est extrêmement moderne dans sa façon d’aborder et de décortiquer les thématiques propres à chaque période, de l’amitié et la sororité aux LGBTQIAphobies, en passant par le polyamour, l’addiction et, évidemment, le mariage et la mort. Inattendue mais bienvenue, et bientôt disponible sur nos écrans français, Why Women Kill est une petite merveille.

Why Women Kill, créée par Marc Cherry. Avec Lucy Liu, Ginnifer Goodwin, Kirby Howell-Baptiste, Alexandra Daddario, Sam Jaeger… En France, la série sera distribuée par une chaîne du groupe M6, qui a acheté les droits du show en septembre 2019.

 

Unbelievable, minisérie

par Cielle

Unbelievable, créée par Susannah Grant, Ayelet Waldman et Michael Chabon, 2019. © Netflix

Août 2008, État de Washington. Marie est violée. Elle déclare son agression à la police, puis se rétracte, en raison de l’attitude des inspecteurs qui mettent en doute la véracité de son récit. 2011, État du Colorado. Deux détectives, Karen et Grace, enquêtent sur des violences sexuelles en série. Adaptée d’une histoire vraie, Unbelievable suit en parallèle ces deux histoires. On voit Marie se débattre au quotidien, traumatisée et accusée de mentir par la police et son entourage. Quant aux policières, elles sont confrontées à des impasses et à des difficultés administratives qui freinent leur enquête. La série est lente, ultra-réaliste et lourde par les thèmes qu’elle aborde. Loin du spectaculaire, elle s’attache à décrire le cheminement intérieur de chaque personnage. Les trois héroïnes sont d’ailleurs présentées dans leur entièreté, avec leurs forces et leurs failles, sans complaisance. Il est question ici de donner la parole aux femmes, de se mettre de leur côté et de montrer les violences autrement, de leur point de vue. Unbelievable n’est pas la série que tu regardes pour te détendre. L’ouverture du show, entre le viol et l’interrogatoire culpabilisant de la police, est difficile à regarder. Ça commence assez fort, et il faut s’accrocher. Heureusement, au fil des épisodes, on comprend que nous ne sommes pas seul-e-s face à l’insoutenable et qu’il y a des personnes prêtes à se battre pour nous. Unbelievable est une série dure mais nécessaire.

Unbelievable, créée par Susannah Grant, Ayelet Waldman et Michael Chabon. Avec Toni Collette, Merritt Wever, Kaitlyn Dever… En France, la série est disponible sur Netflix.

 

BoJack Horseman, saison 6

par Ernestine

BoJack Horseman, créée par Raphael Bob-Waksberg, 2014-2019. © Netflix

Depuis son lancement en 2014, BoJack Horseman se distingue par ses arcs narratifs originaux, son humour grinçant et les thèmes difficiles qu’elle aborde avec justesse et sensibilité. Centrée autour d’un cheval anthropomorphique qui a connu son heure de gloire en tant qu’acteur dans les années 1990, la série raconte les déboires et les doutes de cette star déchue. BoJack est en quête de sens sur le plan professionnel, mais lutte également dans sa vie personnelle contre plusieurs addictions et la dépression, dévastatrices pour lui et son entourage. Dans la première partie de cette ultime saison, cet anti-héros est (enfin) mis face aux conséquences de ses actes tant sur lui-même que sur les autres. Il entre en cure de désintoxication et essaie de réparer les erreurs passées qui le hantent et l’empêchent d’avancer. On en apprend plus sur ses débuts avec l’alcool et sur la satisfaction qu’il a trouvée dans sa consommation. C’est un personnage toujours plus complexe et torturé que l’on découvre, au passé peu reluisant. Les huit épisodes de cette première partie questionnent ainsi l’empathie que l’on peut ressentir à son égard, aux dépens de ses proches qui subissent son comportement toxique. Les personnages secondaires occupent donc une place plus importante que dans les saisons précédentes, au milieu d’une satire de notre société toujours aussi présente et pertinente. Les épisodes qui abordent la charge mentale des femmes et les dérives du capitalisme sont particulièrement réussis !

BoJack Horseman, créée par Raphael Bob-Waksberg. Avec les voix de Will Arnett, Amy Sedaris, Alison Brie, Paul F. Tompkins… La première partie de la sixième saison est disponible sur Netflix. La seconde est attendue pour le 31 janvier 2020.

 

Les Filles du rink, saison 1

par Raphaëla Icguane

Les Filles du rink, développée par Kiko Ruiz Claverol et Patricia Font, 2019. © Netflix

Netflix regorge de petits trésors bien cachés. Au Patí Club Minerva, en Espagne, Emma et ses amies, six joueuses de hockey sur patins à roulettes, s’apprêtent à se battre pour leurs droits. Quand Germán, leur entraîneur, les quitte pour leurs concurrentes, Enric, le directeur du club, souhaite fermer la section féminine, trop peu rentable. Elles médiatisent alors leur lutte et prennent la parole dans un espace qui laisse trop souvent les femmes de côté. Aidées par Anna, sportive de haut niveau et grande sœur d’Emma revenue pour de mystérieuses raisons, elles travaillent dur pour progresser et conserver leur place. Mais ici, le sport n’est qu’un prétexte pour dépeindre une sororité à toute épreuve entre des adolescentes qui partagent tout. Les Filles du rink met en scène des thématiques profondément féministes et ne fait pas de ses héroïnes de parfaites militantes. Elles commettent des faux pas, se déçoivent et se blessent, mais apprennent, les unes auprès des autres. À l’écoute de leurs besoins respectifs, présentes dans les moments douloureux et soudées face à l’adversité, les protagonistes vivent une amitié en dents de scie, preuve qu’il faut beaucoup de travail pour grandir et construire des relations saines. La série traite avec justesse et une certaine légèreté – bienvenue – de sujets graves, politiques et délicats, comme le deuil, l’avortement, la PMA, la grossophobie ou encore le slut-shaming.

Les Filles du rink, développée par Kiko Ruiz Claverol et Patricia Font. Avec Iria del Río, Nora Navas, Josep Linuesa, Natàlia Barrientos… En France, la série est disponible sur Netflix.