En hiver, une promenade dans Paris peut réchauffer les cœurs, lorsqu’il en émane des effluves d’Orient. De Montmartre à Belleville, Aurore te conduit vers ce que la capitale a de plus riche : sa diversité.

 

C’est l’époque des jours les plus courts, des doudounes, des bonnets péruviens, de la couperose sur les joues et des narines qui émettent des sons caverneux. Décembre est un affront à la distinction, à l’élégance, à la lumière, à la chaleur. Je décidais d’aller chercher ailleurs un peu de clarté et de légèreté.

À quelques pas de Montmartre et des touristes qui achètent des bonnets de Noël musicaux et des tours Eiffel en fausse ferraille se trouve un quartier qui réchauffe mieux qu’une bouillotte… la Goutte d’Or. J’y ai passé ma journée à engloutir des bouts de soleil, des particules d’Orient et d’Afrique. J’ai pris mon café vers le métro Marcadet, dans un minuscule lieu qui pouvait tout juste accueillir un vieux percolateur, un comptoir datant du paléolithique et deux êtres humains adultes (dont moi). J’ai grignoté quelques pages d’Istanbul et remonté le Bosphore avec Orhan Pamuk le temps de trois cafés allongés…

La caféine ayant eu un effet frénétique sur mon myocarde, je décidais de prendre le large et de remonter gentiment le boulevard Barbès jusqu’au métro Simplon pour aller manger (pour 4 €) un ventripotent plat populaire d’Égypte au Kouchery du Bon Cœur. J’ai ensuite laborieusement traîné mon estomac tout gros de lentilles, de pâtes et de pois chiches vers le Louxor, somptueux cinéma d’une autre époque avec sa façade Art déco et ses ornements pharaoniques. J’ai doucement laissé ma digestion s’accomplir devant les steppes d’Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan. Les routes crépusculaires du film et la sonorité de la langue turque ont eu raison de mon corps, et celui-ci s’est assoupi quelques minutes (les féculents dans mon ventre ont probablement aussi dû participer à son endormissement).

Étonnamment ragaillardie par cette dérisoire sieste, je décidais d’acquérir des montagnes de tissus africains dans les magasins de wax du quartier Château rouge. Comme c’était l’heure du goûter, j’en profitais pour acheter un épi de maïs. Je repartis avec des kilomètres de textile, et un nombre de combinaisons de couleurs et de formes insoupçonnées.

Le maïs ayant réveillé ma digestion douloureuse, je me disposais à rentrer chez moi, à Belleville, en marchant et en écoutant d’une oreille (non pas que j’étais dissipée, mais l’un de mes écouteurs ne marchait plus) la psychédélique chanson « White Rabbit » de Jefferson Airplane… mais interprétée en arabe par Mayssa Karaa.

 

Œuvres et lieux cité-e-s :

  • Istanbul: Souvenirs d’une ville, Orhan Pamuk, 2008
  • Il était une fois en Anatolie, Nuri Bilge Ceylan, 2011
  • « White Rabbit », Mayssa Karaa, 2013
  • Le Kouchery du Bon Cœur, 3 rue Joseph Dijon, 75018 Paris
  • Le Louxor, 170 boulevard de Magenta, 75010 Paris
  • Quartiers Goutte d’Or, Barbès, Château rouge, Belleville