Mémorandom #39 : Cinq étoiles pour l'existence, et un like si tu partages

Dans ce nouveau « Mémorandom », c’est le visionnage d’un épisode de Black Mirror qui pousse Patricia à se poser des questions sur ce qui nous lie les un-e-s aux autres. Comment nous définissons-nous ? Ou quand la fiction se faufile dans la vie, et la vie dans la fiction. 

On ne se rencontre pas par hasard. On ne se lie pas par hasard. On ne lit ni ne regardons rien par hasard.

Hier soir, j’ai (enfin) visionné l’épisode 1 de la saison 3 de Black Mirror : « Nosedive » (« chute libre », en français). Un épisode que j’avais zappé lors de mon binge-watching de la série. Je n’avais pas encore Netflix.

Pour résumer, la jeune femme sur laquelle se focalise l’épisode est obsédée par sa cote de popularité, puisque plus cette dernière augmente, plus elle lui permet d’obtenir des services ou des bénéfices supplémentaires. En somme : les systèmes de notation de BlaBlaCar, Airbnb, Yelp et toutes les autres plates-formes de services poussés à leur paroxysme.

Je dois l’avouer, après l’épisode, je suis allée vérifier ma note sur BlaBlaCar. Comme un réflexe. C’est le seul site que je fréquente sur lequel je suis notée. Je me suis souvenue de ce 3 sur 5 laissé par un conducteur − note qui m’avait vexée, il est vrai. Alors que le courant n’était peut-être simplement pas passé entre nous. Ça n’allait sûrement pas plus loin. Ce sont des choses qui arrivent.

Dans l’épisode, les personnages voient leurs notes baisser dès qu’ils ont un coup dur à affronter. La vie met parfois sur la route des obstacles plus ou moins difficiles à franchir, ce qui peut rendre dur-e-s, tristes, infréquentables. Il leur faut alors s’éloigner du monde pour reprendre des forces et retrouver le sourire. Et leur cote de popularité remonte.

Comment se crée une société lisse et sans bavures ? Comment se génère l’hypocrite bienveillance, au lieu de l’honnête respect ? Comment chacun-e de nous devient, sans le réaliser, un sujet de Big Brother ? C’est aujourd’hui notre réalité : nous analyser les un-e-s les autres, définir quels sont les comportements acceptables et ceux qui ne le sont pas, les référencer publiquement, commenter, partager. On s’évalue continuellement entre nous, qu’on le veuille ou non. C’est un processus inconscient.

Dans La Mise en scène de la vie quotidienne, Erving Goffman explique que nous avons un rôle à tenir dans la société. C’est comme une pièce de théâtre. Ce rôle dépend de notre position, de notre environnement social. Nous le modifions malgré nous, nous nous adaptons en fonction du lieu où nous nous trouvons et d’avec qui nous interagissons. Nous sommes à la fois acteurs-rices et chef-fe-s d’orchestre. Nous régissons nos petits mondes. Nous créons les liens, et les rompons d’un commun accord ou non.

Bienheureux petit chat blanc et libre, qui se limite à sa fonction de fanfaron-bouillotte. Il la tient, mais ne la subit pas. Nous pourrions être comme lui, être libres dès lors que nous tiendrions nos rôles sans les subir. Libéré-e-s des préjugés, des conventions, des stéréotypes que nous avons intégré-e-s et passons aux autres.