L’affaire Naomi Musenga a fait grand bruit ces dernières semaines. Cette jeune femme de 22 ans est morte après avoir été moquée par une opératrice téléphonique du Samu. L’indignation et l’émotion qui ont suivi ont permis de faire un point sur les conditions d’accueil dans les services d’urgence français. Plusieurs associations lancent aujourd’hui une enquête à laquelle tu peux participer, si tu veux aider à changer les choses.

 

29 décembre 2017. Naomi Musenga appelle un numéro d’urgence à cause de violentes douleurs au ventre et dans le reste du corps. Elle tombe sur les pompiers, qui transfèrent son appel au centre d’appels du Samu de Strasbourg, sa ville de résidence. Mais alors qu’elle explique aller très mal et avoir le sentiment qu’elle va mourir, l’opératrice se moque d’elle et la renvoie vers SOS Médecins.

Il est alors 11 heures et la conversation, enregistrée et récupérée par sa famille, dure 1 minute 30. La jeune femme trouve la force d’appeler SOS Médecins, lequel déclenche l’intervention du Samu. Alors qu’elle est encore consciente, son état se dégrade. Elle est transférée à l’hôpital, passe un scanner, fait deux arrêts cardiaques à la suite d’un infarctus, puis décède finalement en réanimation à 17 h 30, soit six heures et demie après son premier appel.

Cinq jours plus tard, une autopsie est pratiquée : les causes du décès sont liées à une « défaillance multiviscérale sur choc hémorragique », selon le rapport relayé par Le Monde, c’est-à-dire « l’arrêt de plusieurs organes » dont la cause résulterait de « facteurs variés ».

 

Quand la presse révèle l’information

Alors que l’événement s’est déroulé à la fin du mois de décembre 2017, ce n’est que le 27 avril dernier que le journal local Heb’di publie son enquête et rend public l’enregistrement de la conversation téléphonique, transmis par la famille de la victime. L’indignation est immédiate, tant l’absence d’empathie des opératrices des pompiers et du Samu semble tragiquement incongrue.

De nombreux-ses internautes avancent rapidement que le racisme est l’une des raisons pour lesquelles l’appel de Naomi n’a pas été pris au sérieux par les deux femmes. « Elle m’a dit qu’elle va mourir. […] – Ah, c’est sûr qu’elle va mourir un jour, c’est certain ! » Tels sont les propos qu’elles échangent lorsque l’opératrice des pompiers passe le relais à celle du Samu.

Plusieurs questions se posent alors. Comment un entretien téléphonique peut-il suffisamment rendre compte de la gravité des symptômes de la personne qui appelle les secours, et de leurs causes ? Le personnel est-il qualifié pour en juger ? De fait, les opératrices ont-elles bien respecté la procédure ? Leur négligence a-t-elle été influencée pas un biais raciste ? Après la mort de Naomi Musenga, la ministre de la santé a évoqué une « dizaine d’affaires » comparables.

François Braun, président de Samu-Urgences de France, a déclaré à France Info le 9 mai que la procédure n’avait pas été appliquée, et que tout appel devait normalement être transmis à un-e médecin régulateur-rice. C’est lui ou elle qui prend la décision d’intervenir (ou non) après un interrogatoire médical. En outre, les urgences ne demandent jamais aux patient-e-s de rappeler, ce sont elles qui s’en chargent et, si besoin, qui les transfèrent vers un autre service. Devant ce dysfonctionnement grave, il est important d’agir.

Sur le Bondy Blog, une jeune femme qui a elle-même exercé au sein d’un centre d’appel d’urgence témoigne dans une tribune : « Toutes ces expériences et l’écoute attentive de l’enregistrement m’amènent à une certitude : nier la dimension raciste du cas dramatique de la mort de Naomi Musenga, c’est passer à côté du fond du problème. » Aujourd’hui, la famille de la victime demande justice, et leurs soutiens réclament des prises de conscience, des sanctions et des actions pour changer les choses.

 

Fais entendre ta voix pour changer les choses

Pour ne pas réduire cette histoire tragique au seul manque de moyens dans le système des urgences, des féministes et militant-e-s ont décidé de recueillir la parole pour agir de façon concrète. « Dans la santé, il y a l’idée que le médecin soigne tout le monde, que c’est une profession noble et altruiste… Autant, on parle des discriminations sur le marché du travail ou l’accès au logement, mais c’est beaucoup plus difficile pour la santé », a expliqué Fatima Ouassak du Réseau classe/genre/race à France Info.

Huit associations lancent donc une enquête, à laquelle tu peux participer jusqu’au 29 juin. En une vingtaine de questions, le questionnaire tente d’évaluer la façon dont la patientèle est traitée dans les services des urgences, en prenant en compte différentes discriminations potentielles dans les mauvais traitements, comme le sexisme, le racisme, l’homophobie ou la grossophobie :

Alors que la ministre de la Santé (Agnès Buzyn) annonce une nouvelle feuille de route régulant l’accueil d’urgence d’ici le 1er juillet, il s’agit pour ces associations de faire émerger l’importance d’aller au-delà des seules conditions de travail des personnels de santé, pour également prendre en compte les expériences de la patientèle, qui peut se heurter à des préjugés assumés ou inconscients, dont les conséquences peuvent aller du simple désagrément à la mort, explique le collectif Féministes contre le cyberharcèlement.

Les résultats de l’enquête serviront à appuyer la demande de mise en place de formations à l’accueil non-discriminant, lesquelles pourront servir de matière pour de futurs projets.

Le questionnaire a été créé par le collectif Féministes contre le cyberharcèlementLe Mouvement, Afro-Fem, Lallab, Le Cran, Réseau classe/genre/race, Paye ta shnek et Françoise Vergès.

Si tu es d’accord pour répondre au questionnaire, c’est ici.

Deuxième Page lance aussi en parallèle un appel à témoignages. Si tu souhaites parler de ta propre expérience, nous publierons des tribunes pour accompagner les résultats de l’enquête.

 

Objet du mail : Témoignages – Enquête urgence
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