Ce week-end, Deuxième Page fête ses 3 ans. Pour l’occasion, Cielle tenait à raconter l’importance qu’a pris ses membres dans sa vie. Parce que, pour elle, Deuxième Page est plus qu’un webzine et une association.

 

Du plus loin que je m’en souvienne, si l’on excepte la petite enfance et la cour de récréation de l’école maternelle, je n’ai jamais fait partie d’un groupe ou d’une bande.

Je suis depuis toujours une fille de tête-à-tête, de cœur à cœur. Il n’y a pas de place pour le pluriel dans mes relations. Je suis moi-même face à l’autre, mais complétement perdue face aux autres. Je ne me sens jamais à ma place quand il faut composer avec plusieurs esprits.

Il y a des fois où je trouve les gens, en groupe, beaucoup trop intelligents. Je me tais car je n’ai rien d’intéressant à dire, rien qui soit assez pertinent ou assez cultivé. Je reste en retrait pour ne pas montrer que je ne suis pas à la hauteur. Il m’arrive aussi de trouver, dans la dynamique du groupe, les gens un peu bêtes, et je n’en suis pas fière. Je me tais aussi, en raison d’un mépris mal placé ou, le plus souvent, car je suis incapable de rentrer dans l’ambiance. Je me trouve, quoi qu’il en soit, en décalage absolu avec ces personnes qui parlent toutes à la fois, qui rigolent d’un rien, qui s’aiment en éclats de voix.

Mon ami d’enfance essaie depuis des années de m’intégrer à son groupe d’ami-e-s et feint de croire que j’en fais partie. J’esquive les soirées sans occasion, et je fais bonne figure aux anniversaires. Je ne suis pas une fille à bande. Il y a trop de bruit et tout se sait, il n’y a pas d’intimité.

Ce n’est pas que je sois solitaire, c’est que j’aime le privilège d’être à deux. Et la sensation de ne pas être interchangeable ou remplaçable. J’apprécie que l’on veuille me voir moi, en tant que personne, et pas en tant que membre impersonnel du collectif. C’est une vision biaisée des choses et une interprétation toute subjective, mais la confiance en ce que je suis me fait défaut, et je la ravive comme je peux.

En définitive donc, je n’aime pas les groupes et je n’aime pas non plus l’idée du groupe.

Pourtant, il y a un peu plus d’un an, quand j’ai rencontré pour la première fois plusieurs membres de Deuxième Page, je me suis sentie tout à fait à ma place. Depuis, je ressens chaque jour la sororité qui nous unit et l’ambition commune de créer, même si ce n’est pas toujours facile. L’équipe est une bouffée d’air frais dans mon quotidien, c’est un mouvement qui me tire vers le haut, qui m’ouvre d’autres horizons. Je me réjouis de notre bienveillance, de nos discussions virtuelles qui animent les journées de travail, et de celles, IRL, qui donnent le sourire. On apprend doucement à se connaître et à s’aimer. Il y a quelque chose d’inédit pour moi dans ce qui se crée depuis plusieurs mois, qui me fait du bien. Je n’ai jamais cherché à faire partie d’une bande, mais je suis bien contente aujourd’hui de l’avoir trouvée.

On ne va pas se mentir. Je n’ai pas changé d’un coup. J’ai toujours peur de ne pas être assez bien et de prendre trop de place. Je ne me suis pas débarrassée de mes complexes du jour au lendemain. Je trouve toujours que le groupe est un phénomène délicat, que je maîtrise mal. Mais je suis à l’aise avec ces filles-là, et je commence à comprendre le plaisir qu’il peut y avoir à faire partie d’un tout.

Deuxième Page n’est pas juste un webzine et une asso. C’est un lieu de vie. C’est de l’amour.

Joyeux anniversaire Deuxième Page, et joyeux anniversaire les copines.

 

Œuvres et lieux cité-e-s :

  • « Diamond », Unapologetic, Rihanna, 2012
  • Le Pavillon des Canaux, 39 quai de la Loire, 75019 Paris (lors de ma première rencontre avec certaines membres de l’équipe)
  • Le slack Deuxième Page (lieu de rendez-vous virtuel quotidien de la Team 2P)
  • Les réunions et soirées Deuxième Page (ici et ailleurs, mais surtout chez la rédac chef)