Pianiste et compositrice, mais aussi professeure, concertiste et éditrice de musique, Louise Farrenc est une figure incontournable du XIXe siècle. Pourtant, comme nombre de ses consœurs, son nom est tombé dans l’oubli. Aujourd’hui, à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, Cielle te propose de découvrir son portrait.

 

« Elle ne s’inscrit pas dans les courants susceptibles, en son temps, de procurer, à l’instar des scènes lyriques, la notoriété, mais son œuvre, enracinée dans la riche culture de l’art instrumental, révèle une inspiration sincère et sans concession. » – Pierrette Germain, Le Dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, 2015.

Jeanne-Louise Dumont naît à Paris le 31 mai 1804, au sein d’une famille très créative. Un environnement fertile qui donne sans aucun doute le la à sa future carrière. Son père est sculpteur et plusieurs membres de son entourage sont peintres. Durant son enfance, la jeune fille grandit dans la communauté d’artistes de la Sorbonne qui existe à l’époque, où vit une trentaine de familles attachées à la Couronne. Dès son plus jeune âge, la future pianiste baigne donc dans la culture et l’art.

Ainsi, Louise apprend très tôt à jouer de son instrument de prédilection auprès d’instructeurs-rices de qualité, des pianistes, des compositeurs. Elle entre au Conservatoire national de Paris en 1819, à l’âge de 15 ans, où elle étudie le piano, continuant de progresser et perfectionnant toujours un peu plus la maîtrise de ses talents musicaux. L’institution lui donne ainsi l’opportunité de développer son art, et la jeune femme commence à composer des pièces musicales alors qu’elle n’est encore qu’adolescente.

En 1821, Louise épouse le flûtiste, compositeur et éditeur de musique Aristide Farrenc. Avec lui, elle édite sa propre musique, une production déjà variée et conséquente. Le couple travaille également sur un projet ambitieux : une anthologie de la musique pour piano couvrant le répertoire du XVIe au XIXe siècle, intitulée Le Trésor des pianistes. Des années plus tard, c’est seule que Louise achève l’ouvrage – 23 volumes en tout –, après la mort de son époux en 1865.

Les premières œuvres que Louise élabore sont destinées au piano. Mais très vite, elle décide d’élargir son répertoire à d’autres instruments. L’artiste ne se contente pas d’écrire sa musique, elle l’interprète aussi régulièrement. En 1841, à l’âge de 37 ans, la créatrice compose sa première symphonie, ce qui est rare pour une femme de cette époque.

Ne se cantonnant pas à la composition, Louise entame une carrière de professeure de piano l’année suivante, en donnant des cours à la duchesse d’Orléans – un tutorat qu’elle aurait obtenu par ses relations dans le milieu aristocratique, mais surtout par l’importance de sa renommée artistique. Cette année-là, elle est également nommée professeure au Conservatoire de Paris, place qu’elle garde jusqu’en 1872. C’est la première fois qu’une femme accède à ce poste. Le cursus n’étant pas mixte, elle n’enseigne qu’à des étudiantes, dont sa fille Victorine, laquelle est âgée de 16 ans. La compositrice a de l’ambition, et elle sait la valeur de son travail. Rapidement, elle réclame d’être payée au même titre que ses homologues masculins. Et, miracle, elle y parvient en 1849.

En une bonne dizaine d’années, Louise compose de  multiples quintettes, symphonies, trios, sextuors et nonnettes. Allant contre les modes de son époque, la musicienne n’écrit pas d’œuvres lyriques. Elle compose surtout de la musique de chambre et, de fait, par tou-te-s les historien-ne-s renseigné-e-s, Louise Farrenc est considérée comme pionnière dans ce domaine en France. Durant sa vie, elle reçoit de bonnes critiques. Elle est admirée par Schumann et Berlioz. À l’époque, on dit d’elle qu’elle « compose comme un homme » (ce qui se veut un compliment, même si rétrospectivement, on sent bien la dose de sexisme qui l’alimente).

En 1859, à la mort prématurée de sa fille, Louise interrompt sa carrière de compositrice. Toutefois, elle continue d’enseigner le piano jusqu’à ses 68 ans. Et, entre 1861 et 1872, vingt volumes du Trésor des pianistes sont publiés. Malgré sa carrière mise en pause, l’artiste est récompensée par deux fois du prix Chartier de l’Académie des Beaux-Arts, en 1861 et 1869.

Louise Farrenc meurt à Paris le 15 septembre 1875, âgée de 71 ans. Après son décès, elle tombe dans l’oubli, comme cela est aussi le cas pour ses consœurs compositrices et pianistes. Pour preuve : ses œuvres n’ont quasiment pas été rééditées depuis la mort de son mari. L’une des raisons mises en avant pour expliquer cet oubli est que Louise n’a pas composé d’opéra, genre qui permettrait de se faire une réputation. Elle est malgré tout à l’origine de nombreuses pièces grandioses et, de son vivant, son talent d’artiste était reconnu. Elle était considérée comme l’une des grandes compositrices de la période romantique. Alors, les motifs donnés quant à son oubli paraissent – au bas mot – fumeux et de mauvaise foi. Le travail de Louise Farrenc a été oblitéré des mémoires collectives pour une simple raison : c’était une femme.

Si le temps efface régulièrement de grands noms, il prend surtout le soin de gommer ceux des femmes. Une illustration de cela, qui peut a priori paraître anecdotique, est par exemple la mention de Louise Farrenc comme professeure de piano au Conservatoire, mais non comme compositrice dans le dictionnaire encyclopédique du Larousse de 1983. L’histoire a la mémoire sélective, et les femmes en font les frais. Aujourd’hui, les compositions de Louise Farrenc sont peu jouées et peu connues, et c’est une grande perte pour notre patrimoine culturel.

 

Si tu aimes les pianistes et les compositrices, on t’invite à écouter une de nos mixtapes, qui leur est consacrée : 100 morceaux, tous écrits et interprétés par des femmes !

 


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