Mémorandom #8 : Tailler la zone

Ingrid Baswamina va se ressourcer dans la Creuse. Là-bas, elle prend le temps de se reposer, écoute de vieilles chansons et ouvre son regard sur le monde.

Heureusement, pendant ce long week-end de la fin du mois d’octobre, nous allons faire une pause, prendre nos distances avec notre quotidien. Quelques jours, ça ne suffit pas tout à fait pour reprendre son souffle, mais c’est déjà ça. En Creuse, on a le temps, on s’écoute plus. Le trou du cul du monde, c’est sacrément beau et calme. C’est un luxe. Chaque fois que je suis là-bas, je ne suis là pour personne, hormis pour ceux qui sont avec moi. Le premier truc que je fais, en sortant de la voiture, c’est de lever les yeux et de dire bonsoir aux étoiles, que je n’ai pas vues depuis longtemps. On marche le soir au bord de la route, et quand on roule dans la campagne, on se sent comme dans un film américain. Le mieux, c’est quand Souchon parle de sa belle vendeuse de glaces. Je ne tolère que Nostalgie en voiture. Parce que Nostalgie, c’est les vacances.

Si j’étais restée à Paris, je serai allée voir l’exposition « The Color Line », au musée du Quai Branly. Un hommage aux artistes noir-e-s américain-e-s qui ont connu la ségrégation raciale aux États-Unis. Parce qu’il est essentiel de regarder dans le rétro. Je me souviens d’une fois où je suis rentrée à pied de ce même musée, mais je suis incapable de me remémorer ce que j’étais allée voir. Un devoir de fac. Mais je me souviens bien du chemin, du pont Alexandre III illuminé et du sentiment de vivre dans la plus belle ville du monde. Elle l’était ce soir-là.

C’est le week-end. Si je voulais, j’aurais le temps de terminer Sapiens : Une brève histoire de l’humanité, le meilleur bouquin que j’ai lu depuis longtemps. Je ne l’ai pas encore fini, mais je sais déjà que je vais le relire. Un ami me l’a donné en me disant qu’il contribuait à « prendre conscience de sa place dans le monde ». Et c’est vrai. On comprend comment et pourquoi on en est arrivé-e-s là. C’est logique et douloureux, mais on voit le monde avec plus de clairvoyance, enfin je crois. Prendre du recul, ça fait du bien. Je vais en lire quelques pages dimanche, mais pas trop parce qu’on a prévu d’aller se perdre en forêt.