Mémorandom #10 : Debussy chantait à mon oreille les voiles de l’automne

Des créatures littéraires peuplent le monde de Nina. Elles la guident comme le chant d’une sirène, perdue parmi les feuilles d’automne qui touchent la surface de la Seine. Un week-end dont nous sommes tou-te-s les héros et les héroïnes.

On dit de l’automne que c’est la saison des feuilles, de la chute. J’ai rêvé d’un arbre qui s’effeuillait et d’une main, une main d’automne qui effeuillait l’arbre. En passant devant la mercerie Sajou, rue du Caire à Paris, je m’évade grâce aux tissus imprimés aux motifs floraux envoûtants, et je me rêve ensevelie sous des monceaux de voiles.

L’automne, c’est encore le printemps, à l’envers dans l’ivresse d’un miroir. Sous une mer de tissus, j’observe la mer de mon inconscience. Je suis inconsciente. Je me laisse inconsciente. Je me laisse retrouver. Je me donne à être retrouvée.

Comme Ada dans Ada ou l’Ardeur de Vladimir Nabokov, je suis la maison, la demeure aux souvenirs, l’errance de deux jeunes gens qui ne surent jamais s’épanouir, et qui pourtant se surent et se susurrent encore, du bout des lèvres, comme un monde évanoui.

Mon Capitaine Mulet, lui, est bel et bien parti. En croisade. J’entends sa voix comme celle de Dylan Thomas récitant If I Were Tickled by The Rub of Love, dans le lyrisme de l’élévation. Ou peut-être est-ce l’ouverture du troisième acte de Tristan et Isolde, de Wagner. Ou peut-être La Mer, de Claude Debussy. Ou peut-être l’oubli.

J’oublie de respirer. Sur mon corps, des listes de courses où se logent encore les poèmes sans signature d’Emily Dickinson. Je me souviens quand j’étais Sainte Geneviève appelant les Parisiens au combat, au temps des invasions, où Paris n’était pas encore le royaume de Clovis. J’appelle ici-bas les mille chemins qui firent de Pernelle la femme de Nicolas Flamel, dans l’alchimie des livres et des songes.

Parmi ces vagues, celles de mes réminiscences, je respire. Et de nouveau, j’aspire à être libre.