Comment financer un projet indépendant de presse en ligne? À quelques exceptions près (Mediapart, Arrêt sur images…), le modèle de l’abonnement a du mal à s’imposer chez les pure players. La pub exige des contreparties – perte d’indépendance, pollution du contenu éditorial… – que certain-e-s ne sont pas prêt-e-s à accepter. Il existe une troisième voie : l’appel à la contribution des lectrices et lecteurs. Une voie qui concilie la quête de moyens et la quête de sens. Cet édito, pour la rédaction de Deuxième Page, c’est avant tout une manière de t’expliquer notre choix, de te confirmer notre engagement.

 

Un tour d’horizon du monde de la presse a de quoi décourager celui ou celle qui veut éditer un nouveau titre. Trouver des alternatives est aujourd’hui – si tu désires une presse indépendante – une quasi-obligation.

Si tu ne fais pas partie de l’écurie Lagardère ou Pigasse, Perdriel ou Dassault, Bolloré ou Drahi, tu risques fort de ne pas être invité-e à jouer dans la cour des grands. Lorsque l’on consulte la carte du Parti de la presse et de l’argent, on a des sueurs froides. Le constat est sans appel : les dangers d’une concentration sont réels, la presse étant désormais détenue par un petit groupe d’industriel-le-s multimillionnaires.

Et les risques ne sont pas hypothétiques, ils existent déjà : censure et autocensure deviennent peu à peu le lot commun des médias. Sans compter l’affaire i-Télé, qui n’est ni plus ni moins que la transformation d’une chaîne d’informations en diffuseuse d’idéologies (néo)libérales. Cette histoire a confirmé, si besoin en était, que le fait que des médias appartiennent à certains groupes (comme celui de Vincent Bolloré) pouvait avoir des incidences sur leur contenu journalistique… et la liberté de la presse.

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Alors, où trouver des ressources? Si tu n’as pas envie que ta publication se transforme en site publipromotionnel, tu peux songer à te tourner vers le mécénat. Le mécène suprême de la presse numérique aujourd’hui n’est autre que Google. Mais là encore, ce choix pose beaucoup de questions. Et sinon, il reste… tout le reste. Autrement dit, les ami-e-s, les grands-mères, et surtout les internautes et les lectrices et lecteurs. 

Certes, récolter de l’argent par le biais d’une plate-forme n’est pas un gage de pérennité. Mais le financement participatif va au-delà de la quête d’argent. C’est aussi une manière de créer, de souder ou de mobiliser une communauté autour d’un projet et, pour les particuliers, de s’engager concrètement : «Donner s’apparente de plus en plus autant à une participation citoyenne, ou à un réflexe de participation, qu’à un acte de “générosité”.» Un système qui a souvent du mal à s’imposer en France, mais qui prend ses marques.

Il suffit de se plonger dans la rubrique «journalisme» des plates-formes de financement pour avoir un aperçu de la richesse des projets et des tentatives d’informer différemment. C’est vrai sur KissKissBankBank (le projet La Maison écologique), c’est vrai sur Ulule (Cheek), et c’est vrai également sur Tipeee, où Deuxième page fait appel à ses lectrices et ses lecteurs.

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Tu le sais, Deuxième Page a ce que l’on appelle « un fonctionnement participatif ». Notre rédaction est formée de 16 rédactrices et rédacteurs bénévoles fixes – et ne demande qu’à s’agrandir. Nous écrivons sur le site pour deux raisons simples : la première, c’est le plaisir de partager nos découvertes culturelles et démarches sociales, le plus souvent issues d’initiatives méconnues du grand public. La seconde, c’est l’espoir de proposer un contenu journalistique plus accessible, égalitaire, engagé, avec une ligne éditoriale non polluée par des impératifs financiers – autrement dit, la publicité.

Afin de te proposer un contenu professionnel varié, nous fournissons un travail quotidien, avec passion. Malheureusement, il ne suffit pas seulement de dégager du temps pour faire fonctionner notre webzine. Hébergement par un serveur, mise en avant sur les réseaux sociaux, recrutement, graphisme, développement Internet, fonctionnement de l’association qui soutient le webzine… Deuxième Page a un coût, certes bien moindre qu’un organe de presse, mais non négligeable pour les bénévoles que nous sommes.

Grâce à la générosité de 23 tipeuses et tipeurs, nous arrivons à garder un bel équilibre depuis le lancement du site au mois de mai, mais nous aimerions faire plus qu’empêcher la barque de couler. Car aujourd’hui, il faut être honnête, ce que nous engageons personnellement financièrement devient de plus en plus difficile à maintenir.

Nous travaillons tou-te-s en parallèle, et même avec la plus grande motivation possible, la réalité nous rattrape.

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On sait que les temps sont difficiles pour tout le monde, et avec Internet, on aurait tendance à penser qu’il n’est plus utile de payer pour lire des contenus de qualité. Rendre accessible l’information est une chose, soutenir les petites associations en est une autre.

Un euro par mois, tu penses peut-être que ça n’a pas de valeur pour nous ? Et pourtant… Et si l’on envisageait enfin le crowdfunding pour ce qu’il est, c’est-à-dire un socle de solidarité ? Un euro, c’est également un symbole, celui qui nous rappelle que tu nous lis et nous soutiens, et qu’il nous faut continuer l’aventure. Et vous êtes nombreux-ses à nous lire, nos statistiques nous le prouvent.

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C’est totalement gratuit, voilà un gif de chiot dans un bol. Ne nous remercie pas.

Pour nombre de petits projets, les sommes récoltées apportent avant tout du temps, celui de faire ses preuves, d’exister sur la Toile. Car même quand l’on réussit à fédérer l’énergie de contributeurs-trices bénévoles, de nombreux investissements sont nécessaires pour développer son site, suivre les évolutions technologiques, mais aussi pour stimuler la « viralité » (quel mot grossier) des contenus et rester sur les écrans de Google, le grand mécène pas tout à fait désintéressé. 

Deuxième Page ne veut pas se soumettre aux diktats de l’immédiateté et du clickbait. Et pour qu’un projet comme celui-ci s’installe, il faut lui laisser la possibilité de trouver sa place dans le nouveau paysage de la presse en ligne.

Toi, ami-e, lectrice, lecteur, tu peux nous aider en nous soutenant de toutes les manières que tu souhaites. Partage des articles, participation aux projets ouverts à tou-te-s, likes, commentaires, dons, on prend tout ! Il existe mille manières de faire grandir ce projet avec nous, et c’est aussi bien ainsi (on accepte aussi les livres et les pâtisseries). 

 

Soutiens-nous (si tu le veux) !

 

Annabelle & Sophie