Malgré le passé qui tonne et résonne, Mme Cielle ne baisse pas les bras et garde, envers et contre tout, son goût de l’absolu. Incursion dans cet idéal malmené de celle qui ne veut pas s’excuser.

 

« Je vais aimer n’importe qui… »

À l’époque où j’ai commencé à le fréquenter, Lynda Lemay a sorti un nouvel album, et sa chanson m’a percutée, tellement proche de ce que je vivais et de ce que je ressentais. Tellement juste, comme à chaque fois.

Il est parti, et la chanson est restée. Il a bien fallu me rendre à l’évidence, je ne suis pas capable d’aimer n’importe qui. Je pourrais faire semblant, me contenter de petits frissons et apprécier ce que je peux avoir. Je pourrais trouver cela suffisant et sourire.

Moi, je veux l’amour, comme le chante Barbara, comme l’écrit Aragon, comme l’éprouve Antigone. Je veux l’absolu. « Et que ce soit aussi beau que quand j’étais petite – ou mourir. »

Mais le temps défait mes rêves, et les voix autour murmurent qu’il est l’heure d’être raisonnable. Je me révolte comme je peux, je répète à l’envi mon credo : « Je serai entière, même s’il faut que je sois en miettes. » À la longue, je ne suis que ça : des miettes que j’éparpille le long de mon chemin, comme pour me retrouver un jour.

En attendant, je me perds dans les dédales de mes souvenirs, cherchant à me raccrocher au passé qui n’en finit pas de s’étioler. Les rues de Paris sont remplies de mes amours mortes, je suis à chaque fois surprise de découvrir que j’ai laissé des bouts de moi aux quatre coins de la capitale. La rue Sainte-Anne et ses katsudon, les sièges doubles du MK2 Bibliothèque, l’horloge du musée d’Orsay… Où vont les rêves quand on les achève ?

Les miens se renouvellent à l’infini, et malgré les voix autour, je ne peux m’arrêter d’y croire, d’espérer un avenir meilleur, de vouloir vivre plus et mieux.

Tant pis pour les dégâts.

« Refuser est une hypothèse qui ne me traverse pas, je prends, je prends tout, l’amour, la fulgurance et aussi le plaisir. »

Je continuerai de faire comme j’ai toujours fait, vivre intensément et pleurer toutes les larmes de mon corps, je construirai des empires à la hauteur de ma démesure et les regarderai s’effondrer comme des châteaux de cartes, je prendrai tout sans m’excuser et perdrai tout sans regretter.

« Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin. » Je suis de celles qui tombent, mais se relèvent, les genoux écorchés et les lèvres ensanglantées, mais le cœur toujours vaillant.

Je suis de celles, vois-tu, qui ne renoncent pas.

 

Œuvres et lieux cité-e-s :

  • « N’importe qui », Feutres et pastels, Lynda Lemay, 2013
  • Aurélien, Louis Aragon, 1944
  • Antigone, Jean Anouilh, 1944
  • Rue Sainte-Anne, Paris, 1er et 2e arrondissements
  • MK2 Bibliothèque, Paris, 13e arrondissement
  • Avoir un corps, Brigitte Giraud, 2013
  • « Dis, quand reviendras-tu ? », Barbara, 1964