Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • How Michelle Wolf Blasted Open the Fictions of Journalism in the Age of Trump : Masha Gessen revient sur le discours de Michelle Wolf au dîner des correspondants de la Maison-Blanche 2018, qui a provoqué des réactions très négatives, tant dans le monde des politiques que dans celui des médias. Et l’hypocrisie de toutes ces réactions était saisissante : « La performance de Michelle Wolf fait éclater les bulles de la civilité et de la performance, de la séparation des médias et de la comédie. Elle a plongé les personnes présentes dans une réalité qui, à l’ère de Trump, relève de la comédie. Avec son humour obscène, Wolf a exposé l’obscénité de ces fictions [celle d’une soi-disant séparation entre le journalisme et l’entertainment, mais aussi la fiction de la présidence Trump, dans laquelle ce dernier serait un président comme les autres] et le sérieux fondamental de tout cela. Sa dernière réplique, la plus choquante de tout son monologue, mérite d’être répétée : Flint n’a toujours pas d’eau propre. »  [The New Yorker] [ENG]
  • Opinion | The Profound Normalcy of a Day at the Movies in Saudi Arabia : une bien jolie tribune de la réalisatrice Haifaa al-Mansour (Wadjda, Mary Shelley) sur son rapport au cinéma et les changements dans son pays concernant l’accès à la culture. En avril 2018, Black Panther était le premier film diffusé au cinéma depuis 35 ans en Arabie saoudite : « Mais bientôt, comme tous les grands changements après le retour à la normalité, tout cela pourrait tout simplement ressembler au droit le plus basique du monde. C’est à ce moment que le vrai travail commencera, quand nous nous dépasserons pour aller au-delà de la normalité afin de créer quelque chose d’extraordinaire. » [The New York Times] [ENG]
  • Inégalités mondiales : Marx avait-il tout prévu ? : la concentration du capital au XXIe siècle, Marx l’avait anticipée. La richesse a augmenté, mais entre les mains d’un nombre réduit de personnes. [ France Culture]
  • Whatever Happened to the Book Herman Melville Wrote After ‘Moby-Dick’? : en juin 1853, Herman Melville apporte Isle of the Cross à son éditeur new-yorkais. C’est la dernière fois que ce manuscrit a été vu. [The Daily Beast] [ENG]
  • La pollution de l’air tue 7 millions de personnes par an dans le monde, alerte l’OMS : « Selon un bilan publié mercredi par l’Organisation mondiale de la santé, neuf habitants sur dix respirent quotidiennement un air trop chargé en particules fines. » [Le Monde]

 

Les lectures de la rédac de Deuxième Page

  • Fraîches Women Festival : Deuxième Page s’est rendu à l’événement, lancé à l’initiative du magazine en ligne L’Afro. Le festival était très réussi et incroyablement intéressant. Avec la fanfare 30 Nuances de noir(es) en guise d’ouverture, suivie d’une journée entière de débats, d’ateliers, de discussions, de concerts et de rencontres, il n’en fallait pas plus pour combler nos cœurs de féministes. En cadeau : quelques photos capturées lors de ce 6 mai. Bravo aux organisatrices et aux intervenantes pour leur beau travail.

  • Childish Gambino – This Is America (Official Video) : le dernier clip de Childish Gambino est une puissante allégorie de l’Amérique vue à travers les yeux de l’artiste, dont la maestria et l’intelligence ne sont plus à prouver. Dans la saison 2 d’Atlanta, en cours de diffusion aux États-Unis, celui que l’on connaît plus communément sous le nom de Donald Glover a démontré épisode après épisode la finesse de sa plume, mais aussi son jeu d’acteur incroyable et surtout la puissance de sa critique non didactique de l’Amérique de 2018. Dans le clip très violent de « This is America » – réalisé par Hiro Murai, l’un des fidèles collaborateurs de Gambino –, qui semble être la continuité de son travail sur Atlanta à bien des égards, il extériorise sa colère, sa lassitude et son exaspération par la danse, mais surtout par la mouvance calculée de son corps dans l’espace, au cœur duquel il évolue, et auquel il est important de prêter attention. Car si la vidéo semble suggérer quelque chose, c’est que nous aurions tort de nous laisser distraire par la culture de l’entertainment, des breaking news et de l’immédiateté – comme celle des réseaux sociaux. Impossible d’ignorer la dénonciation par la monstration de la violence policière, du suprémacisme blanc, du néolibéralisme, de la matérialité et de la culture des armes à feu aux États-Unis dans cette pièce visuelle grandiose, et pourtant dépouillée de tout artifice. Néanmoins, ce clip exploite bel et bien le système qu’il critique pour arriver jusqu’à nous, nous coinçant dans les mêmes travers que ceux qu’il semble dénoncer. Alors, si l’on prend le temps d’y penser, la vidéo de Glover a plus des apparences de constat que de critique. Elle ressemble à un témoignage pessimiste sur la réalité de la société américaine, qui est apparemment coincée dans une boucle au cœur de laquelle les artistes eux non plus ne peuvent réellement s’extraire. De ce point de vue, le dernier clip et morceau de Glover est certainement l’un des objets artistiques les plus nihilistes de ces dernières années. Pour autant, que « This is America » plaise ou non, le clip a réussi quelque chose qui n’arrive pas si souvent : provoquer des discussions de fond sur tout ce qui reste généralement à la marge, ou en arrière plan. Si tu es anglophone, on te recommande la lecture de l’article de Doreen St. Félix, « The Carnage and Chaos of Childish Gambino’s “This Is America” », publié sur le site du New Yorker, pour aller plus loin dans cette analyse désenchantée : « “This is America” est actuellement analysé sur Twitter comme s’il s’agissait de la pierre de Rosette. La vidéo a déjà été décrite comme un puissant cri de ralliement contre la violence par les armes à feu, un portrait puissant de l’existentialisme de l’Amérique noire, une mise en accusation puissante d’une culture qui fait circuler des vidéos d’enfants noir-e-s en train de mourir aussi facilement que des vidéos d’enfants noir-e-s dansant dans des parkings. Le clip contient ces choses-là, mais il s’agit aussi d’un objet culturel fondamentalement ambigu. La vérité est que cette vidéo – et ce qu’elle laisse entendre au sujet de son artiste – est très complexe. Beaucoup de personnes noires la détestent. Glover nous force à revivre des traumatismes publics et nous laisse à peine une seconde pour respirer avant de nous forcer à danser. Il y a un incontournable dédain cousu dans la matière de “This is America”. Le fait même que les scènes de danse se retrouvent déjà extraites pour créer des petits gifs amusants en ligne, les séparant de la brutalité de la vidéo, ne fait qu’illustrer son propos. » [YouTube]

 

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Image de une : Fanfare 30 Nuances de noir(es), Fraîches Women Festival, le 6 mai 2018, Montreuil, France. © Annabelle Gasquez / Deuxième Page