Il est toujours aussi stupéfiant de voir à quel point les femmes puissantes peuvent être consciemment effacées par l’histoire telle que nous l’apprenons dans les manuels. C’est le cas de la poétesse, activiste et politicienne indienne du début du XXe siècle Sarojini Naidu, très méconnue en France.

 

Bien-aimé, vous pouvez, comme les hommes disent
n’être que la défaillante étincelle
De la flamme qui tremble en la lampe d’argile.
Qu’importe ! puisque vous éclairez mes ténèbres
Aux lustres immortels du jour. – Extrait du poème « L’Illusion de l’amour », de Sarojini Naidu.

 

Surnommée le « Rossignol de l’Inde », Sarojini Naidu – née Sarojini Chattopadhyay, le 13 février 1879 – commence sa vie en enfant prodige et la termine en tant que première gouverneuse de l’État indien. Poétesse, écrivaine, activiste indépendantiste et politicienne reconnue dans son pays, elle donne son nom à de multiples institutions, comme le Sarojini Naidu College for Women ou la Sarojini Naidu School of Arts and Communication. Tout au long de son existence, elle accorde brillamment une vie d’artiste avec un militantisme aussi passionné que subversif. En 1926, l’auteur Aldous Huxley écrit d’ailleurs à son sujet : « [Elle] combine d’une façon remarquable la puissance intellectuelle avec le charme, la douceur avec l’énergie téméraire, une vaste culture avec l’originalité, et la sincérité avec l’humour. Si tou-te-s les politicien-ne-s indien-ne-s sont comme madame Naidu, alors le pays est chanceux, en effet. »

Il faut dire que Sarojini Naidu est à bonne école, ses parents luttant ensemble pour les droits des femmes. Durant son enfance, elle est bercée par la poésie de sa mère et influencée par l’érudition de son père en matière de sciences et de philosophie. Maîtrisant pas moins de cinq langues, elle commence très tôt à écrire des poèmes, et à l’âge de 12 ans seulement, entame des études supérieures à l’université de Madras, dans laquelle elle est admise avec les meilleurs résultats à l’examen d’entrée.

Quatre ans plus tard, elle poursuit ses études en Angleterre, où elle rencontre le Dr Govindarajulu Naidu, dont elle tombe amoureuse. Les deux jeunes gens décident de se marier, après l’obtention de son diplôme. Elle étant brahmane, et lui non, ce mariage aurait pu ne jamais avoir lieu à cause des traditions indiennes, très sévères en matière d’unions intercastes. Mais la famille de la jeune femme leur apporte un soutien inconditionnel, voyant dans leur mariage un acte progressiste.

C’est durant ses études que l’engagement féministe de Sarojini Naidu commence à se concrétiser, entre autres à travers la lutte pour le droit de vote des femmes. Plus tard, en 1917, elle fonde la Women’s India Association, avec Annie Besant. Déterminée, elle voyage de pays en pays pour sensibiliser le public à la cause des femmes. Aujourd’hui, elle est encore reconnue en Inde comme figure emblématique ayant poussé ses concitoyennes à se réunir afin de défendre leurs droits.

En 1916, elle fait la rencontre de Mahatma Gandhi. Ses engagements politiques prennent ainsi un nouveau tournant, marquant le début de ses actions non violentes pour l’indépendance de l’Inde. C’est elle qui exporte les messages de luttes pacifiques du guide jusqu’aux États-Unis et qui prend la tête de son mouvement – le Congrès national indien – quand ce dernier est arrêté, devenant ainsi la première femme indienne présidente de ce parti.

Sarojini Naidu meurt deux ans après le début de son mandat de gouverneuse des Provinces-Unies d’Agra et d’Oudh, à l’âge de 70 ans, laissant derrière elle un héritage artistique et politique considérable, et une trace dans l’histoire aussi belle que pacifique.

 


Cet article a été originellement publié sur la page Facebook de Deuxième Page, en 2018, dans le cadre de la série de portraits courts « The F-World » à l’origine créée uniquement pour les réseaux sociaux.