Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Astrology in the Age of Uncertainty : c’est la tendance incontournable de ces dernières années : l’astrologie revient en force et bénéficie d’une acceptation culturelle et d’une visibilité similaire à celles qu’elle avait dans les années 1970. Christine Smallwood analyse ce phénomène, dont elle situe les débuts à l’arrivée de l’ordinateur personnel dans nos vies, et évidemment, d’Internet et des réseaux sociaux, lesquels ont accéléré le processus. Le monde des corporations n’a pas tardé à voir une opportunité financière dans cette mode : « La popularité de l’astrologie est souvent expliquée comme le résultat du déclin de la religion organisée et de la montée de la précarité économique, et comme l’un des aspects d’un virage plus large vers le New Age », contextualise l’autrice. Mais « s’ajoute le problème de la panique politique. En temps de crise, on dit souvent que les gens cherchent quelque chose en quoi ils peuvent croire. » Pour autant, à ses yeux, un autre aspect est essentiel : la psychologie. « L’astrologie psychologique, influencée par Carl Jung, a utilisé la carte du ciel […] comme une représentation de la psyché et l’a utilisée pour parler de choses telles que le sens de l’existence, le potentiel et la réalisation de soi. […] Mais contrairement à la thérapie, où un-e client-e peut passer des mois ou même des années à découvrir les racines d’un symptôme, l’astrologie promet d’obtenir des réponses plus rapidement. » De ce point de vue, la mode de l’astrologie à notre époque semble inévitable, mais elle peut aussi devenir dangereuse au cœur du système capitaliste. « Il est courant de dire qu’en période d’incertitude, les gens ont soif de certitude. Mais ce que l’astrologie offre n’est pas la certitude, c’est la distance. Tout comme une personne peut trouver plus facile d’accepter des choses sur elle-même quand elle décide qu’elle est née comme elle est, l’astrologie permet d’appréhender les événements du monde d’un point de vue moins réactif. Celui-ci avance que l’histoire n’est pas une histoire linéaire de progrès ascendant, mais qu’elle évolue plutôt en cycles, et que les acteurs-rices historiques – celles et ceux qui s’agitent autour de nous – sont des archétypes. Alarmant, oui ; méchant, peut-être ; mais familier, lisible. » [The New Yorker] [ENG]
  • Google and Amazon are now in the oil business : alors que le grand public semble se soucier de plus en plus des enjeux écologiques et prendre conscience de l’ampleur de la crise que nous connaissons, les entreprises sont obligées de montrer leur volonté de mieux faire. Pour autant, l’on sait qu’entre campagne de communication et réalité, il y a un gouffre. Depuis plusieurs années, Google, Microsoft et Amazon insistent sur les efforts déployés par leur structure à travers le monde pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Néanmoins, en janvier 2020, le Wall Street Journal et Gizmodo signalaient que ces mêmes sociétés sont toujours en partenariat avec des acteurs importants de cette industrie, et les aident à extraire le plus de pétrole et de gaz possible. En effet, en 2018, les entreprises du pétrole et du gaz ont investi environ 1,75 milliard de dollars dans l’intelligence artificielle (IA) – une somme qui pourrait atteindre 4 milliards de dollars d’ici 2025. Ainsi, les géants de la tech aident activement les entreprises pétrolières en développant leurs IA pour optimiser l’extraction d’énergies fossiles, tout en communiquant sur leurs démarches écologiques. [Vox] [ENG]
  • Mary Shelley Created ‘Frankenstein’, and Then a Pandemic : dans des périodes aussi compliquées que celle que nous vivons actuellement, il est toujours bon de se tourner vers la culture pour prendre le temps de souffler, de réfléchir, de calmer nos angoisses. Mary Shelley, surtout connue pour son Frankestein (1818), a publié près de dix ans plus tard le livre intitulé Le Dernier Homme, premier grand roman post-apocalyptique de l’histoire de la littérature. Cette œuvre a influencé toute notre culture, et l’on ne peut s’empêcher de faire des liens avec la situation actuelle. « Shelley a prédit que la catastrophe d’une pandémie serait motivée par la politique. Que cette politique serait profondément personnelle mais d’ampleur internationale. Que l’escalade de la crise de la santé serait causée par ce que les gens et les dirigeant-e-s ont fait et n’ont pas fait au niveau international – dans le commerce, la guerre et les négociations interpersonnelles, les pactes et les conflits qui les précèdent », écrit la professeure Eileen Hunt Botting. Dans le roman, « Verney réalise que même s’il est le dernier homme sur Terre, il doit vivre comme s’il ne l’était pas. Il doit préserver l’humanité en agissant selon son sens aigu de l’interconnectivité de son destin avec d’autres formes de vie, humaines ou non. » [The New York Times] [ENG]
  • We’re about to learn a terrible lesson from coronavirus: inequality kills : l’inégalité tue. Et en temps de crise, cela devient de plus en plus visible, impossible à ignorer. « Nous savons que les riches prennent soin des leurs, mais ces injustices ne sont pas le fait d’actes divins ou de la simple et triste réalité de la vie, des choses face auxquelles la seule réaction possible est un haussement d’épaules résigné. Il y aura beaucoup de leçons terribles à tirer de cette pandémie : l’une d’entre elles aurait dû être apprise il y a longtemps, à savoir que l’inégalité tue », écrit le journaliste Owen Jones. Si son texte évoque plus particulièrement le cas de l’Angleterre, certains aspects de sa réflexion peuvent indéniablement s’étendre au reste des sociétés capitalistes, dont la France. « Une décennie d’austérité [en Angleterre], et un ordre social qui prive des millions de citoyen-ne-s d’une existence confortable, signifiera beaucoup plus de morts dans les semaines et les mois à venir, lesquelles auraient pu être évitées. La détermination du gouvernement pour trouver un vaccin contre le coronavirus doit s’accompagner d’un engagement renouvelé à lutter contre la pauvreté. Comme toute crise, celle-ci risque de toucher le plus durement la classe ouvrière et les pauvres. Ce n’est pas inévitable. C’est un choix – de ceux qu’il est en notre pouvoir de ne plus faire, si seulement nous en avions la volonté. » [The Guardian] [ENG]
  • SDF : on se confine comment : alors que les mesures de confinement sont déployées sur tout le territoire français, de nombreuses personnes sont oubliées et de fait, plus vulnérables. Les populations fragiles, précaires et pauvres ne sont visiblement pas entrées dans les considérations gouvernementales. Les personnes sans domicile fixe sont abandonnées à elles-mêmes, alors que celles qui les aident manquent de moyens. Dans cette émission spéciale « Les pieds sur Terre » de France Culture, concerné-e-s et travailleurs-ses sociaux témoignent. En temps de crise, la solidarité oui, mais semble-t-il la solidarité choisie. [France Culture]

 

Dans la bibliothèque et sur l’écran de Deuxième Page

  • RévâsSéries, la vie de la rédac depuis son canapé : sur Deuxième Page, nous ne cesserons jamais de dire notre amour inconditionnel pour la science-fiction. Et en cette période pour le moins compliquée, se plonger dans ses mondes multiples, lointains et familiers peut franchement faire un bien fou. La SF est si diverse que chacun-e peut y trouver ce qu’elle ou il veut. Des choses légères, des choses sérieuses, et puis des choses inclassables mais tout aussi enthousiasmantes. À la rédac, Star Trek a une place spéciale dans nos cœurs et on ne pourrait être plus heureuses de son revival en cours sur le petit écran, qui s’est ouvert avec le lancement de Discovery en 2017, et continue avec Picard cette année. S’il est un univers pop culturel de science-fiction qui s’est employé avec acharnement à l’exploration de l’humanité à travers celle de l’espace, c’est bien celui de Star Trek. Aujourd’hui encore, les thématiques chères à la franchise restent si pertinentes et vitales que les nouvelles itérations sérielles essayent de les aborder avec un regard contemporain. Star Trek: Picard est loin d’être parfaite, et l’on se demande même si elle n’est pas franchement dépassée par l’ampleur de ses ambitions. Pour autant, le show parvient à nous captiver rapidement, notamment grâce à la présence et l’aura inégalables de Sir Patrick Stewart. Son rythme parfois lent, ses délectables contemplations et ses beaux moments de sincérité font de Star Trek: Picard une création filmique inhabituelle dans l’orgie de violence et le nihilisme ambiant qui asphyxient la (pop)culture. Son message est clair : il y a de l’espoir pour l’humanité, si elle fait les bons choix. (Bonus : une fois la série lancée, on réalise que tout ce qui manquait à notre existence était une chose simple : Patrick Stewart dans la fleur de l’âge, un béret sur la tête, en train de chiller dans ses vignes avec son chien.)

Star Trek: Picard, créée par Akiva Goldsman, Michael Chabon, Kirsten Beyer et Alex Kurtzman, 2020. © Amazon Prime

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : depuis longtemps, l’autrice et dessinatrice Mirion Malle ravit nos moments de détente avec ses créations toujours drôles et pleines d’intelligence. Sur son blog puis dans ses livres, elle a réussi à proposer une analyse de la pop culture acérée et accessible. Mais cette année, elle s’essaye pour la première fois à la fiction dans C’est comme ça que je disparais (aux éditions La Ville Brûle). La BD nous emporte immédiatement, et nous prend au cœur tout aussi vite. Page après page, Malle explore un sujet complexe avec beaucoup de finesse et d’authenticité : la dépression. On suit le quotidien de Clara, qui s’efforce comme elle le peut de naviguer dans sa vie à Montréal, entre ses ami-e-s et son travail d’attachée de presse dans l’édition. Chaque jour pour elle est une lutte de tous les instants. Elle veut avancer, profiter, mais tout cela se fait au prix de sa santé mentale. Pour toutes les personnes qui ont connu (ou connaissent encore) la dépression, C’est comme ça que je disparais ressemble à une main tendue. En partageant cette histoire, Mirion Malle efface à chaque trait la stigmatisation qui est associée à cette maladie. Elle en montre la complexité, la gravité, mais aussi l’ignorance qui entoure le sujet. Et pour les autres, le livre donne à voir une réalité souvent tue par les concerné-e-s. Il permet à celles et ceux qui ne comprennent pas ce que traversent parfois leurs proches de trouver quelques réponses, nécessaires. Il y a des jours où parcourir un livre peut ressembler à un geste de survie, et des ouvrages comme celui-ci nous rappellent l’importance des histoires quand tout autour devient insensé.

 

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Image de une : Star Trek: Picard, créée par Akiva Goldsman, Michael Chabon, Kirsten Beyer et Alex Kurtzman, 2020. © Amazon Prime