En s’intéressant à l’univers carcéral, Patricia se questionne sur la façon dont les prisonniers et les prisonnières s’approprient ou se réapproprient la liberté, et trouve des réponses dans son héritage familial et culturel.

 

Voilà plusieurs soirées passées à binge-watcher Orange Is the New Black et moult documentaires sur l’univers carcéral. Des humain-e-s derrière les barreaux, dont les erreurs découlent parfois d’un enfer vécu en liberté dans leurs plus tendres années. Ou bien d’une pathologie mentale. Comment les rendre responsables ?

Je saisis le recueil de poèmes rédigés par mon père. J’en avais obtenu un exemplaire après son décès, et je n’ai plus que moi-même pour tenter de découvrir le sens caché derrière certains mots.

« Toi, souvenir qui me contraint à l’absurde
Fermer les paupières pour revivre naguère
Confondre le présent si fragile et désuet
Pris en faute de ne pas avoir de prise
Sur celui qui tourne en rond, promenant sa faim
En rond, là, ici jusqu’à l’invisible
Provisoirement débarrassé de son linceul carcéral »

Ces poèmes, pour la plupart en prose, souvent accompagnés de dessins certainement au feutre noir, ont été publiés en 1976. Mon père avait 23 ans, il était en taule… à Toulouse. Pourquoi Toulouse ? Il ne connaissait pas encore ma mère, ne projetait pas nos existences.

Ma mémoire des événements tend à se transformer pour ne laisser que des impressions et des analyses. Il m’arrive d’éprouver de la compassion pour ces personnes – et pas seulement pour mon père – qui se trouvent privées de liberté, pour en avoir exigé plus, pour l’avoir prise sans l’avoir demandée. Le manque d’empathie pour leurs victimes me chiffonne, mais pour certain-e-s, cela ne va pas de soi. Question d’éducation sans doute.

Ce qu’il a fait est grave, mais on n’en parlait pas. Peu importe au fond. La prison est un purgatoire, et peut-être même un enfer, dont certain-e-s en sortent pour ne jamais y retourner. D’autres feront « carrière » dans la criminalité, et ces bâtiments dépressifs deviendront leur seconde demeure. Est-ce vraiment leur faute ? Quelqu’un qui écrit des poèmes peut-il être foncièrement mauvais ? Certain-e-s font exception, tant qu’ils et elles n’éprouvent aucune sorte de remords. En écrivant ce texte, je ne pense pas non plus aux criminel-le-s en col blanc. Je le dédie aux marginaux et aux marginales, à celles et ceux qui ont pris le mauvais chemin parce que les autres leur semblaient inaccessibles.

 

Œuvres et lieux cité-e-s :

  • Tomahawk ou Kidammisakuiya, Jean-Pierre Marty, 1976
  • Orange Is the New Black, créée par Jenji Kohan en 2013,  Netflix
  • Toulouse (centre de détention de Muret)