Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Pour Emma, la charge mentale liée au recyclage repose sur les femmes et les empêche de s’engager :  la dessinatrice et blogueuse Emma est aujourd’hui connue pour avoir mis en lumière le concept de charge mentale grâce à ses bandes dessinées. Dans sa dernière planche, elle en évoque une nouvelle facette : selon elle, les petits gestes du quotidien pour préserver la planète sont bien trop souvent laissés aux femmes. Ce sont elles « qui gèrent les courses, le ménage et les lessives. Donc elles vont essayer d’acheter du sans emballage, vérifier quels sont les bons endroits où faire les courses », etc. Or, tout cela prend bien du temps, un temps dont elles ne disposent plus pour se mobiliser en faveur de l’environnement, avec des actions de terrain. Ce sont donc les hommes qui envahissent la sphère politique de l’engagement climatique, alors que les femmes sont reléguées à la sphère privée et à leur position de consommatrices. [France Inter]
  • Manifestations au Liban : femmes en première ligne : depuis plusieurs semaines, les Libanais-es manifestent contre la corruption de leur gouvernement et contre ses mesures fiscales. Dans la nuit du 18 au 19 octobre 2019, une jeune manifestante a donné un coup de pied à un garde armé à Beyrouth. La vidéo de cette scène circule depuis, incarnant à bien des égards la révolte de la population. Les Libanaises expriment leur colère : « Hannah, 24 ans, se sent désormais encouragée à se battre contre “une société patriarcale” : “Nous ne devrions pas avoir peur de frapper un homme, nous ne devrions pas avoir peur d’eux, confie-t-elle. Il est temps de montrer notre force.” » [Terriennes]
  • L’Existrans devient l’ExisTransInter et ce changement de nom est très important : samedi 19 octobre 2019, c’était la 23e marche de l’Existrans, qui s’appelle désormais l’ExisTransInter. Ce changement de nom a pour but de visibiliser les personnes intersexes, qui sont souvent oubliées des luttes LGBTQIA+. Dans le contexte actuel, où l’amendement visant à interdire les mutilations sur les enfants intersexes a été rejeté, cette démarche est d’autant plus nécessaire. Comme le rappelle Komitid, « le combat des personnes intersexes concerne tout le monde, mais évidemment, au tout premier chef, les personnes LGBT+. De très nombreuses expériences vécues ou subies par les personnes intersexes (le coming out, l’intersexophobie, la santé mentale et sexuelle) rejoignent celles des gays, des lesbiennes des bis et des trans. C’est donc une dimension très importante du combat commun que représente aussi ce changement de nom. » [Komitid]
  • La gentrification de Paris vue par Google Street View : Laura Wojcik nous propose de voyager dans le temps grâce aux photographies prises pour Google Street View. Celles-ci nous permettent de comparer le Paris de 2008 à celui d’aujourd’hui, et mettent en évidence les « transformations physiques et sociales de la capitale ». Commerces, restaurants, logements, tout y passe. La gentrification s’affiche de manière flagrante et nous raconte l’histoire de ces classes populaires chassées par les habitant-e-s plus riches. Mais, comme le souligne la journaliste, « ces onze années de voyage dans le temps ne disent pas tout, seulement quelques bribes d’une histoire de gentrification plus ancienne, faute de pouvoir se promener aux prémices de l’éviction des plus pauvres ». [Slate]
  • Inclusion des femmes dans le numérique : « Peindre la tech en rose, c’est contre-productif » : un entretien passionnant avec Isabelle Collet, professeure en sciences de l’éducation et spécialiste de l’inclusion des femmes dans le numérique. À propos de l’égalité femmes-hommes, elle explique très justement qu’« avec le numérique, on peut mettre en évidence le fait que l’égalité ne se produit pas par elle-même. Il n’y a pas une naturalité du progrès qui permettrait d’aller vers l’égalité dans tous les domaines ». Selon elle, la force physique est ainsi devenue une composante moins importante au sein des sociétés patriarcales. La « masculinité hégémonique » actuelle se caractérise surtout par le fait « de gagner de l’argent, d’avoir un pouvoir sur les objets et la technique, de ne pas être guidé par ses émotions ». Ce qui explique pourquoi l’univers de la tech est désormais si masculin, alors que les femmes furent majoritaires aux débuts de l’informatique. Isabelle Collet met cependant en garde contre certaines pratiques visant à attirer davantage de femmes dans le numérique ; en particulier concernant la création d’une tech girly et mignonne : « Cette “tech pour fille” est présentée comme plus spécifique. Par conséquent, la tech avec un grand “T”devient la tech pour garçon. » [Numerama]

 

Sur les étagères et l’écran de Deuxième Page

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : dans Femmes à l’œuvre, femmes à l’épreuve (Actes Sud), l’historienne de la photographie Clara Bouveresse analyse trois livres qui ont marqué le paysage photographique américain : Growing Up Female (1974) d’Abigail Heyman, véritable journal intime et féministe, The Unretouched Woman (1976) d’Eve Arnold, clichés sans fards d’anonymes et de célébrités, et Carnival Strippers (1976) de Susan Meiselas, plongée sans misérabilisme dans la vie de strip-teaseuses. Par leurs sujets et leurs formes, ces œuvres ont illustré de manière inédite la condition féminine : de l’intimité au travail, de la performance au rejet des injonctions. Sorti le 4 septembre 2019 à la suite de l’exposition aux Rencontres de la Photographie à Arles, ce catalogue éclaire le processus de création de ces ouvrages d’un genre nouveau, tout en déconstruisant le contexte artistique et social des années 1970.

  • Le film de la semaine : avec Kate Bush, la sorcière du son (disponible sur le site d’Arte jusqu’au 11 novembre 2019), la documentariste Claire Laborey s’intéresse à cette artiste britannique que l’on ne présente plus. Elle retrace les premières années du parcours prolifique d’une musicienne élevée au rang d’icône. Dans ce film, on découvre une jeune femme décidée, qui a imposé à son label le single « Wuthering Heights » (en référence au roman culte d’Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent), véritable tube des 80’s fascinant avec ses sommets vocaux hauts perchés. La détermination et l’exigence sont les moteurs de l’œuvre de Kate Bush, du choix de ses musicien-ne-s et collaborateurs-rices à celui de ses performances scéniques, en s’astreignant à une pratique intensive de la danse et du mime. On lui doit d’ailleurs l’idée du micro serre-tête, conçu par un ingénieur du son à sa demande pour ne plus être gênée lors de ses chorégraphies sur scène. Tout au long de sa carrière, Kate Bush n’a cessé de repousser les limites en transposant son univers intérieur extravagant dans sa création musicale, ses clips et ses looks, inspirant plusieurs générations de talentueuses musiciennes, comme Björk, Tori Amos, Adele ou encore Solange. Preuve indéniable de la durabilité de l’influence de cette créatrice singulière, un événement est organisé chaque année dans des parcs aux quatre coins du monde, au cours duquel les participant-e-s vêtu-e-s de rouge (comme dans le clip de « Wuthering Heights ») reprennent sa chorégraphie.

 

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Image de une :  Kate Bush photographiée en 1980 pour son troisième album, Never for Ever. © Clive Arrowsmith/Camera Press