Les coups de cœur de Think tank by 2P
- Madame la ministre de la Santé, libérez l’avortement : abroger la clause de conscience des médecins spécifique à l’IVG ? C’est ce que réclame cette tribune, en réaction notamment à l’appel du Syngof (Syndicat National des Gynécologues et Obstétriciens de France) à la grève de la pratique de l’avortement : « En la détournant de son usage, le Syngof a prouvé que cette clause spécifique est le symbole d’un pouvoir médical qui continue à se mobiliser pour contrôler le corps des femmes ». Les signataires de cette tribune réclament aussi que la loi autorise les sages-femmes à pratiquer l’avortement instrumental. L’objectif de ces revendications est de mettre fin aux pressions médicales sur les personnes souhaitant recourir à une IVG et de permettre l’accès à l’avortement pour tout le monde, même en cas de pénurie de gynécologues. [Libération]
- Trou noir : l’ingénieure Katie Bouman qui a contribué à la photo est victime de cyberharcèlement : les femmes ont depuis toujours été invisibilisées et oubliées par l’histoire (ou plutôt, par ses auteurs). Et quand on essaie de féliciter une femme pour sa réussite, elle devient bien souvent victime de harcèlement sexiste et son travail comme ses compétences sont remis en cause. C’est ce qui s’est passé pour Katie Bouman, la scientifique qui a contribué à la première visualisation d’un trou noir, reconstituée grâce à l’Event Horizon Telescope : « Le fossé des genres est encore profond dans le domaine des sciences. Il y a un an, une étude anticipait qu’il faudrait encore 280 années pour espérer que les autrices soient autant représentées que les auteurs dans les revues scientifiques. Les femmes scientifiques ne sont pas épargnées par le harcèlement et sont encore présentées comme ne méritant pas leur place dans des laboratoires où l’histoire a pourtant montré qu’elles avaient bien contribué à de grandes découvertes ». [Numerama]
- Rape and abuse: the price of a job in Spain’s strawberry industry? : en Espagne, voilà plus d’un an que des témoignages et dossiers émergent au sujet du calvaire vécu par des travailleuses migrantes marocaines dans l’enfer de l’or rouge. Depuis plusieurs mois, un groupe de dix femmes tient bon et refuse de partir du pays. Ne pouvant rentrer auprès de leurs proches, persécutées, elles désirent non seulement être payées pour leur travail, mais avant tout que l’on reconnaisse les conditions ignobles de la récolte des fraises espagnoles. Que l’on reconnaisse l’humiliation, le racisme, l’exploitation, la maltraitance, les abus, les violences, les agressions sexuelles, les viols, le harcèlement et la prostitution forcée qu’elles subissent. Grâce à des accords entre les gouvernements facilitant ces emplois saisonniers, ces femmes sont précisément choisies et piégées parce que vulnérables et ne parlant pas la langue. Leurs contrats leur restent ainsi obscurs, leurs familles finissent par les répudier pour des violences qu’elles ne font que subir, tandis que les autorités, la justice et les gouvernements passent sous silence ou minimisent leurs témoignages. Sans souvent pouvoir se défendre, certaines, fatalistes, disent après plusieurs étés dans les serres que tout cela « est dur pour les nouvelles arrivantes, mais que l’on finit par s’y faire ». Voilà plus d’un an que le scandale des femmes marocaines exploitées par une industrie de la violence est de plus en plus visibilisé. Un an pour presque deux décennies de silence. Un an et rien n’a évolué pour ces dix femmes continuant le combat en leur nom et celui de leurs dizaines de milliers de sœurs exploitées chaque année pour que l’Europe puisse bénéficier des fraises espagnoles dans ses supermarchés. Vingt mille travailleuses saisonnières sont attendues pour l’été 2019 en Espagne, premier pays exportateur de ces fruits en Europe. [The Guardian][ENG]
- Gilets jaunes : service minimum dans les magazines féminins : quelle couverture les magazines féminins ont-ils faite du mouvement des « gilets jaunes » ? Si en apparence plusieurs d’entre eux ont insisté dans certains de leurs articles sur le manque de visibilité des femmes au cœur du mouvement – et sur l’importance de leur action –, ils ont en majorité échoué à véritablement parler du contexte et des enjeux économiques et sociaux. La lumière a été faite essentiellement sur des femmes de la classe bourgeoise, aux dépens des femmes précaires pourtant au centre des problématiques cristallisées par cette mobilisation sans précédent. Acrimed, qui a étudié les publications des magazines sur le sujet, déplore « un traitement minimaliste, au profit d’une couverture centrée sur une série d’épisodes symboliques, spectaculaires et/ou anecdotiques, qui accaparent la grande majorité des articles. Performances artistiques, happening des “Marianne” aux seins nus, cérémonie d’honneur pour une femme gendarme, recueil des confidences de Brigitte Macron ou des réactions de grandes personnalités, etc. Ce sont donc bien davantage des “événements” ponctuels, dont les acteurs eux-mêmes cherchent la médiatisation (en répondant parfaitement à ses critères), ou la vie des microcosmes bourgeois, en particulier celui du spectacle, qui attirent l’attention des magazines féminins. En ce sens, les magazines féminins ont fait des choix éditoriaux identiques à ceux de la presse people et à certains de ceux de leurs confrères, issus de la presse généraliste. Et ce y compris au moment de traiter les violences policières (dans les premiers temps du mouvement), qui ne semblent intéresser Elle que lorsqu’un journaliste de la presse parisienne en est (malheureusement, évidemment) victime ». [Acrimed]
- Marre de souffrir pour notre contraception ! : les méthodes contraceptives actuelles sont majoritairement à destination des femmes, qui en subissent les effets indésirables de manière plus ou moins marquée. La charge mentale liée à la contraception leur est donc dévolue, de même que, le plus souvent, la charge financière. Il est temps que les choses évoluent et c’est ce que revendiquent les signataires de cette tribune : « Nous proposons d’organiser une grande concertation nationale pour la contraception. Le but : mobiliser femmes, hommes, chercheurs-es, médecins et société civile pour développer et promouvoir des contraceptions sans effets indésirables mais également des contraceptions masculines ». [Libération]
Dans la bibliothèque et sur l’écran de Deuxième Page
- Passion Podcast, l’émission à écouter cette semaine : LSD, la série documentaire est une émission merveilleuse diffusée sur France Culture pour qui aime plonger dans l’écoute et découvrir de nouvelles choses à foison. Animé par Perrine Kervran, chaque épisode est extrêmement sourcé et met en avant la parole de concerné-e-s, de chercheurs-euses, de scientifiques, de spécialistes. Aujourd’hui, nous te recommandons la dernière série : « Oublier Moby Dick ». Pour le premier épisode, l’hôtesse nous emmène dans un voyage extraordinaire, des eaux toulousaines à l’Antarctique. On découvre avec elle la différence entre les baleines et les cachalots, leurs modes de communication et comment la science aide à mieux comprendre leur langage, et à mieux les préserver. Surtout, il s’agit de souligner à quel point la santé des mammifères marins est un indicateur inestimable de la santé écologique.
- L’event de la semaine : leur première édition 2018 était un succès, et elles reviennent le 4 mai 2019 plus vénères que jamais. Le festival God Saves the Chicks entend bien montrer que « femmes » et « punk » peuvent rimer et faire vibrer autre chose que les murs de Mains d’Œuvres (Saint-Ouen). Comme ta fibre créative par exemple, avec une exposition photo mettant à l’honneur celles qui ont persisté à exister dans ce milieu, hostile comme beaucoup d’autres. Ou ta fibre politique avec une rencontre et discussion autour des problématiques inhérentes à cette scène et les indispensables zines qui vont avec. Mais on peut aussi en être uniquement pour le gros son de Belmont Witch, Dragon’s Daughters et Petra Pied de Biche. Dans tous les cas, entre bienveillance et militance, discussion posée et sons ou corps agités, ce jeune festival reste à soutenir et faire connaître pour qu’il devienne un indispensable ayant révolutionné les mentalités et n’ait plus ensuite, qu’à disparaître.
Les articles les plus lus sur Deuxième Page
- La Favorite de Yórgos Lánthimos, la violence patriarcale sans les hommes (2019) : Annabelle s’interroge sur le sens de ce film, incursion brute au cœur de la monarchie et de la violence patriarcale. Malgré ses qualités esthétiques et ses talentueuses actrices, cette œuvre peine en effet à apporter une réflexion allant au-delà de la simple performance.
- Hedy Lamarr, le génie d’une inventrice qui a conquis Hollywood : actrice et inventrice, indépendante et moderne, Hedy Lamarr est un exemple typique de l’invisibilisation des femmes et de leurs accomplissements au sein des sociétés patriarcales. Qui aujourd’hui se souvient d’elle et de ce qu’elle a fait pour nous ? Guillemette en a fait son portrait pour réparer cet « oubli ».
- Hunger de Roxane Gay, nos corps comme des champs de bataille : Roxane Gay raconte son corps et la relation conflictuelle qu’elle entretient avec lui, conflit notamment nourri par les injonctions qui pèsent sur le corps des femmes, par la grossophobie décomplexée de la société et par le racisme ambiant.
- Les Frères Sisters de Jacques Audiard : une masculinité toxique questionnée ou normalisée ? (2018) : Yan analyse la masculinité toxique dégoulinante dans Les Frères Sisters et s’interroge sur la capacité de l’œuvre à en proposer une critique. Finalement, il en ressort un film bancal qui ne déconstruit ni ne dénonce vraiment ce qu’il présente.
- Éléni, ou Personne : un roman pour réhabiliter la peintre Éléni Boukoura-Altamoura : l’autrice Rhéa Galanaki fait dans ce livre un portrait poétique de la première peintre grecque qui, au XIXe siècle, est allée étudier son art en Italie. Un must read pour tou-te-s celles et ceux qui désirent découvrir Éléni Boukoura-Altamoura.
Image de une : Katie Bouman découvrant la première image reconstituée d’un trou noir, réalisé grâce aux données de l’Event Horizon Telescope. © Katie Bouman