Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Au Botswana, une vente aux enchères pour tuer des éléphants : une nouvelle qui attriste et choque, alors que l’extinction massive de la faune et de la flore se poursuit : le Botswana, un pays d’Afrique australe, a décidé de mettre aux enchères des permis de chasse aux éléphants. C’est d’autant plus révoltant lorsque l’on sait qu’il s’agit d’alimenter un « tourisme de chasse, en provenance majoritaire des États-Unis. » [Slate.fr]
  • « Là-haut, ils créent des problèmes que nous n’avons pas » : enseignant-e-s et parents portant le voile témoignent : deux journalistes sont parties à la rencontre de mères portant le voile et investies dans les lieux de scolarisation de leurs enfants. Ces derniers mois, ces femmes ont subi des attaques injustifiées et violentes de la part de nombreux-ses hommes et femmes politiques. Au sein des écoles, leur aide est reconnue comme indispensable et salutaire, notamment pour permettre l’organisation d’activités extrascolaires. L’une d’elles témoigne : « Nous, nous n’avons pas de problème avec la société française. Ce sont les politiciens qui ont un problème avec nous. Ceux qui veulent interdire les mères portant le foulard dans les sorties scolaires ne connaissent rien des vrais problèmes dans les quartiers. Les mères sont présentes pour créer du lien. Ils sont en train de détruire tout ce que nous avons construit. » [Basta !]
  • Retraites et valeur du point: l’entourloupe du gouvernement : un système de points est prévu dans le cadre de la réforme des retraites menée par les pouvoirs publics. Alors que le Premier ministre Édouard Philippe avait promis que la valeur du point ne bougerait pas et serait indexée sur les salaires, celle-ci vient d’être remplacée. Elle sera désormais indexée sur le revenu moyen d’activité par tête, un indicateur qui n’existe pas encore. Le gouvernement suggère de demander à l’Insee de l’inventer, ce qui serait une atteinte inquiétante à l’indépendance de l’institut. L’exécutif met aussi le Parlement dans une situation complexe, puisqu’il va devoir se prononcer sans détenir les modalités d’évolution de ce barème à naître. « On se souvient en effet que dans les semaines précédant l’annonce par le Premier ministre du détail de sa réforme des retraites par points, la controverse publique a beaucoup porté sur la valeur du point, précisément, et sur les modalités d’indexation du point qui seraient retenues. Tout le monde avait en effet en mémoire le précédent suédois : sous le coup de la crise financière, la valeur du point avait brutalement été abaissée, et les pensions avaient enregistré une chute vertigineuse de leur pouvoir d’achat. » [Mediapart]
  • Opinion | The End of Babies : à travers le monde, les taux de natalité chutent régulièrement (en France, selon l’Insee, 2018 marquait la quatrième année consécutive de baisse). Les conditions économiques actuelles liées au capitalisme global semblent défavorables à l’idée même du fondement d’une famille, estime la journaliste Anna Louie Sussman : « Nos semaines de travail sont plus longues et nos salaires plus bas, nous laissant moins de temps et d’argent pour faire des rencontres, draguer et tomber amoureux-ses. » À cela, elle ajoute que la réalité économique de l’univers de plus en plus compétitif de l’éducation met une pression supplémentaire sur les potentiels parents. « À ces dynamiques socio-économiques vient s’ajouter une dégradation de notre environnement qui n’incite guère à faire naître un enfant : tandis que produits toxiques et polluants s’insinuent dans notre organisme en y favorisant des troubles endocriniens, il semble que pas un jour ne passe sans qu’une région de notre planète ne devienne la proie des flammes ou d’inondations », poursuit la journaliste. Pour elle, il est clair que le « capitalisme tardif » est devenu hostile à la reproduction : « Partout dans le monde, les conditions économiques, sociales et environnementales fonctionnent comme un contraceptif diffus et à peine perceptible. » Même au sein d’un pays comme le Danemark, souvent pris comme exemple de progressisme concernant la protection sociale et la sécurité dont bénéficient les nouveaux parents, les chiffres de la natalité sont en baisse : « [S]‘il est un pays où les maternités devraient déborder, c’est bien le Danemark. C’est l’un des pays les plus riches d’Europe, et les jeunes parents y bénéficient d’un congé parental rémunéré de douze mois et de formules d’accueil des tout-e-s-petit-e-s généreusement subventionnées. L’État finance la fécondation in vitro pour les femmes de moins de 40 ans. Or le taux de fécondité danois, à 1,7 enfant par femme, est semblable à celui des États-Unis. » Ce constat amène beaucoup d’expert-e-s à penser que les conditions économiques ne constituent qu’une partie des explications à la chute des taux de natalité. L’aspect philosophique et les questionnements existentiels qui accompagnent ce phénomène laissent à penser que les changements des mœurs et notre rapport à la vie lui-même impactent directement notre envie d’avoir des enfants. Pour Sussman, la « crise de la reproduction » est bien là. Elle se manifeste de manière subtile, notamment par la baisse annuelle des taux de natalité, mais pas que. « Elle se trouve dans le flot persistant d’études établissant un lien entre l’infertilité et les difficultés d’accouchement à presque toutes les caractéristiques de la vie moderne – les emballages de restauration rapide, la pollution atmosphérique, les pesticides. C’est le désir ardent de vos ami-e-s qui regardent leur premier enfant jouant dans leur trop petit appartement et qui disent : “Nous aimerions en avoir un autre, mais…” C’est la douleur qui vient du fait de s’élancer vers la transcendance et de la trouver hors de portée. » [The New York Times] [ENG]
  • Janelle Monáe’s Secret Power Was Always Saying ‘No’ : un magnifique portrait de Janelle Monáe, écrit par l’autrice Roxane Gay suite à leur rencontre. Elle y retrace le parcours d’une artiste qui jamais ne s’est compromise, prenant la voie la plus difficile en faisant des choix cohérents avec sa vision, avec qui elle est. Monáe, qui explore dans son art des univers de science-fiction, explique entre autres sa définition de l’afrofuturisme, soit à ses yeux toutes les expressions riches et multiples de l’identité noire, « d’où nous venons, notre présent et notre avenir. » Quand Roxane Gay lui demande à quoi ressemble l’afrofuturisme, elle répond dans un élan : « À cet instant, c’est le bonheur de Lil Uzi Vert coiffé de ses dreadlocks orangées, Erykah Badu qui exerce l’activité de doula, la voix d’Octavia Butler, Stacey Abrams, présidente, qui éjecte Trump de la Maison-Blanche, des Noir-e-s qui obtiennent des passeports et passent le temps en Afrique, des personnes queer et noires se tenant la main tandis que le pasteur sourit, les lunettes de soleil de George Clinton en 1974, l’eye-liner de Prince dans Under the Cherry Moon, des corps noirs s’éloignant, vivants, après une interpellation policière, Tierra Whack et Ari Lennox qui plaisantent sur Twitter, des rois noirs portant du vernis à ongles, la performance de Lupita dans Us. Ça ressemble à un orgasme et au big bang se produisant pendant que tu sautes en parachute alors que Grace Jones sourit. » [The Cut] [ENG]

 

Dans la bibliothèque et sur l’écran de Deuxième Page

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : avec Les corps incorruptibles, Émilie Hallard largue dans l’espace public un petit bijou queer d’anticonformisme, aux éditions Maria Inc. À contre-courant du paysage visuel de nos sociétés saturé par les corps blancs, minces et valides, la photographe s’éloigne des normes en exposant avec cette série de portraits des corps nus, bruts et multiples. Et ça fait du bien à la rétine ! Sortir du cadre rigide et excluant des stéréotypes de beauté est essentiel. Ce livre permet de rappeler la réalité et la variété des corps, singuliers et vivants. Un beau doigt donneur à l’entreprise d’uniformisation constante de notre monde patriarcal, capitaliste et raciste, toujours enclin à nous vendre un idéal inatteignable.

  • Le film de la semaine : « La misogynie est un sport invisible », lâche avec force l’une des nombreuses intervenantes du passionnant documentaire Tout peut changer, et si les femmes comptaient à Hollywood ? (sortie en salle ce mercredi 19 février 2020). Minutieusement élaboré, il met en lumière les inégalités subies par les femmes au sein du système hollywoodien, devant et surtout derrière la caméra. Loin d’être un énième récit d’actrices glamourisant, le film déconstruit les fonctionnements de l’industrie en prenant l’angle du témoignage pluriel. Ainsi les actrices célèbres mêlent leurs expériences à celles des showrunneuses, des réalisatrices, des patronnes de chaînes TV, des scénaristes, des directrices de la photographie et des universitaires. Recueillant ces précieux témoignages, le film s’échine à dévoiler un système sexiste, en documentant la réalité des inégalités de genre et le manque d’opportunité à l’embauche dans tous les corps de métiers de l’industrie du divertissement. Il souligne également le travail entrepris par l’actrice et productrice Geena Davis (Thelma et Louise) au sein du Geena Davis Institute on Gender in Media. Cette structure a effectué de nombreuses études statistiques sur le manque de parité, de diversité et d’inclusivité dans les médias. On te recommande donc vivement ce documentaire, qui prouve une fois de plus que pour être écoutées et reconnues, les femmes ont dû travailler deux fois plus que leurs confrères, et démontrer l’existence de chaque discrimination subie, chiffres et études à l’appui.

 

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Image de une : Screenshot du clip de « Django Jane » de Janelle Monáe. © YouTube