Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Après le suicide d’une étudiante transgenre à Montpellier, les syndicats appellent à manifester dans toute la France : le 28 septembre 2020, l’ensemble des organisations syndicales étudiantes appelait au rassemblement devant le Crous de Montpellier pour rendre hommage à Doona, jeune femme transgenre de 19 ans qui s’est donné la mort le 23 septembre. Les responsables du Crous ont été mis-es en cause. Ces personnes auraient en effet menacé de lui retirer son logement universitaire et sa bourse d’études. Devant une telle tragédie et face à la transphobie institutionnelle, une colère sourde gronde, plus que justifiée. Doona est malheureusement loin d’être la première victime de ces discriminations, comme le rappellent les organisations syndicales : « Nous demandons la justice pour Doona, comme nous l’avions déjà exigé pour notre camarade lyonnais, lorsqu’il s’était immolé par le feu devant le Crous en raison de son extrême précarité et de l’inaction du Crous. » Plusieurs manifestations ont été organisées à travers la France, notamment à Toulouse, Bordeaux, Paris et Tours, pour pousser l’organisme à prendre des mesures d’urgence pour protéger les droits des personnes trans. [Francetvinfo]
  • Peut-on exister dans l’espace public français quand on porte un hijab ? : dans cet article, la journaliste et militante antiraciste Rokhaya Diallo revient sur le cas d’Imane Boun, jeune femme portant le voile qui a quitté Twitter à la suite d’une vague de harcèlement. Proposant des recettes de cuisine pour un budget de 60 euros par mois, Imane était également suivie par des dizaines de milliers de personnes sur Instagram. Judith Waintraub, journaliste du Figaro, a osé publier un tweet faisant un parallèle horrifiant entre les attentats du 11 septembre 2001 et la jeune femme. Qualifiant cet acte d’islamophobe et de sexiste, et rappelant les attaques subies par l’étudiante et responsable syndicale Maryam Pougetoux ainsi que la chanteuse Mennel Ibtissem, Rokhaya Diallo interroge l’islamophobie systémique de notre société, et jusqu’à la possibilité d’exister dans l’espace public en France lorsque l’on porte le hijab. [Slate]
  • Angèle au pays de la domination masculine : au mois de septembre dernier, le chanteur Roméo Elvis a fait l’objet d’une accusation d’agression sexuelle. Pourtant, celle qui a subi le plus d’acharnement sur les réseaux depuis ces révélations, c’est sa sœur, la chanteuse Angèle : plus de 75 000 messages, rien que sur Twitter. « C’est elle qui est mise au premier rang des accusés malgré son absence de responsabilité dans cette affaire. La journaliste Morgane Giuliani l’exprime parfaitement dans son tweet : “Le fait qu’on demande à Angèle de réagir sur les accusations d’agression sexuelle envers son frère est affreux et une nouvelle illustration d’une misogynie profonde : se réjouir d’avoir ‘enfin’ coincé une féministe, influente et populaire de surcroît dans son raisonnement.” Alors que c’est son frère qui est accusé, c’est Angèle qui subit les attaques haineuses et diffamatoires parce qu’elle est une femme, de surcroît féministe. » [Le Club de Mediapart]
  • Belarus’s female revolution: how women rallied against Lukashenko  : depuis plusieurs semaines, la Biélorussie est le lieu de manifestations de grande ampleur pour réclamer le départ du président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis vingt-six ans. C’est sa réélection très contestée qui est à l’origine de la crise politique actuelle. De nombreux-ses citoyen-ne-s dénoncent les fraudes massives dans les bureaux de vote et la corruption du gouvernement. Les femmes sont extrêmement actives dans ces mobilisations. Au départ, la principale candidate de l’opposition était Svetlana Tikhanovskaya, dont la campagne était menée avec l’aide de Veronika Tsepkalo et Maria Kolesnikova. Cette dernière est la seule des trois à ne pas être partie en exil pour se protéger après la victoire de Loukachenko. Fin août, elle a formé un nouveau parti politique, Razam (« ensemble », en biélorusse), avant d’être enlevée et embarquée de force dans une voiture. Elle aurait ensuite « déchiré son passeport à la frontière entre la Biélorussie et l’Ukraine afin de contrecarrer les tentatives d’expulsion. Elle est actuellement détenue à Minsk ». Ce sont aussi les femmes qui ont donné « l’élan de renaissance du mouvement de protestation après les horribles violences infligées aux manifestant-e-s ». [The Guardian] [ENG]
  • « Blues pour l’homme blanc » de James Baldwin aurait pu être écrit aujourd’hui : fin août 2020, les éditions Zones ont publié une pièce de théâtre de James Baldwin qui n’avait jusqu’alors jamais été traduite en français : Blues pour l’homme blanc. L’auteur figure parmi les plus grand-e-s écrivain-e-s américain-e-s du XXe siècle. Il est également reconnu pour son militantisme antiraciste aux côtés de Martin Luther King et de Malcolm X. En 1963, au moment de l’écriture, il « s’interroge sur l’efficacité de la non-violence. Sa proximité avec Malcolm X et son souci de faire du racisme une affaire collective font aussi écho à ce décalage générationnel. Baldwin, dans un premier temps, voulait donc déconstruire le racisme pour en donner une représentation systémique, portée à la conscience de tous: “L’action de la pièce implique l’effroyable découverte que personne n’est innocent.” » Ainsi, « la traduction de Blues offre au public francophone l’une des œuvres les plus radicales de l’écrivain […] par son souci de donner à la violence un rôle central dans la lutte contre le racisme ». [Slate]

 

Dans les oreilles et la bibliothèque de Deuxième Page

  • Passion podcasts, l’émission à écouter cette semaine : que tu aimes le sport ou pas, la série Surya Bonaly, corps et lames de Programme B va te plaire. En 1994, alors qu’elle réalise une performance incroyable, la célèbre patineuse artistique n’obtient que la médaille d’argent aux championnats du monde de Chiba (Japon). Elle refuse de monter sur le podium, retire sa médaille et exprime son mécontentement et sa déception. En 1998, aux Jeux olympiques de Nagano (Japon), l’histoire se répète. Malgré une belle performance, la sportive n’est que dixième. Et pour cause, elle a non seulement chuté au début de son programme, mais a surtout réalisé une figure interdite en compétition : un salto arrière. Elle est la première (et, à ce jour, la seule) à l’avoir jamais fait. On estime que son attitude est insolente, et son classement se veut une punition. La journaliste Anne-Cécile Genre nous emmène six épisodes durant dans sa vie hors du commun. De son enfance atypique et déjà très compétitive à sa carrière avant et après ces fameux JO, rien n’est laissé de côté. Les voix de ses entraîneurs-ses, de ses ami-e-s, la sienne bien sûr, mais aussi celle de sa mère nous accompagnent dans cette visite guidée, sur le bruit des patins qui frappent la glace. Pourquoi Surya Bonaly a-t-elle décidé de réaliser cette figure périlleuse ? Un podcast où l’on (re)découvre que le patinage n’est pas doux avec celles dont les corps et les pratiques s’éloignent des normes de beauté féminine. Combattive et déterminée, Surya Bonaly traverse la vie comme une compétition : en se relevant à chaque échec, et en triomphant.

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : avec Un monde à portée de main, Maylis de Kerangal (Réparer les vivants) nous propose un roman d’initiation passionnant. D’un côté, l’apprentissage de la vie, de l’amour et de l’art par la protagoniste principale, Paula Karst, de l’autre, une longue réflexion sensorielle sur l’esthétisme. Paula est une jeune femme de sa génération. Après avoir fait des études sans enthousiasme, qui ne lui ouvriront aucune porte, elle décide de se réorienter et commence une formation à l’Institut de Bruxelles, cette fois-ci pour devenir peintre en décor. Comme à son habitude, Maylis de Kerangal s’attache à nous partager une écriture intime, précise, minutieusement détaillée et pleine de richesse. On se perd amoureusement dans les détails dont elle nous abreuve. On découvre tout de la composition des couleurs, de la sensation des matières et de la fabrication de trompe-l’œil. L’autrice réussit avec une facilité déconcertante à nous plonger dans les tribulations de Paula, d’un ciel d’une chambre d’enfant à la création de décors pour les studios Cinecittà, en passant par la pièce maîtresse du roman, la réplique de la grotte de Lascaux. De Kerangal nous éblouit et on en redemande.

 

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Image de une : conférence de James Baldwin dans la série Une autre fenêtre sur le monde à Bali à Amsterdam, 1984. Photographie de Sjakkelien Vollebregt, tombée dans le domaine public.