Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Google Made $4.7 Billion From the News Industry in 2018, Study Says : les géants du Web s’évertuent à nous le dire : ils ne sont ni des organes de presse ni des éditeurs. Et ce statut leur permet d’échapper à de nombreuses obligations (financières, éthiques et morales). Pourtant, selon une étude récente, en 2018 Google a récolté quelque 4,7 milliards de dollars issus directement du secteur de la presse. Pour reprendre les mots du journaliste Marc Tracy, « c’est plus que les ventes de billets des deux derniers films Avengers combinés ». On ne peut alors qu’aller dans le sens de Terrance C.Z. Egger, directeur général de la société de presse Philadelphia Inquirer PBC, selon qui « l’étude illustre de façon flagrante ce que nous savons tou-te-s si clairement et si douloureusement : la dynamique actuelle des relations entre les plates-formes et notre industrie est dévastatrice. » La codépendance de la presse et des géants de la tech ne devrait plus être ignorée. « Deux entreprises géantes – Alphabet, qui est la société mère de Google, et Facebook – sont d’importants distributeurs pour les éditeurs de journaux et de magazines. Ils amènent plus de 80 % du trafic extérieur vers divers sites. C’est à mille lieues de l’époque analogique, où les barons des médias contrôlaient la façon dont leurs publications atteignaient le public et recueillaient tous les revenus publicitaires qu’ils généraient. Mais Google et Facebook n’incitent pas les consommateurs-rices de journaux et magazines à se tourner vers les sites d’actualité par altruisme. Au contraire, leur rôle d’intermédiaire leur permet de prendre une part énorme des revenus publicitaires en ligne. Par conséquent, les médias traditionnels ont perdu une source de revenus cruciale au cours des deux dernières décennies, ce qui, dans la plupart des cas, les a amenés à se réduire ou à disparaître. » [The New York Times] [ENG]
  • Is authenticity the new fake : grâce à Internet, il est désormais facile de se renseigner sur les produits de consommation et de vérifier s’ils correspondent à l’image marketing promise par les industries. Car depuis plusieurs années, l’authenticité est au cœur des stratégies de vente : « Qu’il s’agisse d’utiliser de vrai-e-s utilisateurs-rices plutôt que des modèles pour des campagnes marketing, de mettre en avant l’utilisation de produits naturels et la durabilité du processus de production, ou de communiquer de manière très transparente, il est indéniable que l’authentique est le nouveau cool. » Derrière tout ça, il ne faut pas oublier qu’il s’agit bien souvent de nouvelles manœuvres destinées à nous faire payer plus cher et non d’une tentative de réflexion sur les effets négatifs du consumérisme. [Usbek & Rica] [ENG]
  • Human Contact Is Now a Luxury Good : la démocratisation de l’accès aux technologies a entraîné l’apparition de nouvelles stratégies de distinction sociale. De nos jours, « la vie, c’est à dire l’expérience physique d’apprendre, de vivre et de mourir, passe de plus en plus par l’intermédiaire des écrans, excepté pour les très riches ». Se passer de son téléphone portable, omettre de répondre aux emails ou bien quitter les réseaux sociaux (et donc profiter d’interactions humaines enrichissantes et réelles) : tout cela est presque devenu un privilège de classe. Le nombre grandissant d’études prouvant les nuisances engendrées par la multiplication des écrans poussent celles et ceux qui en ont le privilège à s’en éloigner. Aux États-Unis, apparaissent dans la Silicon Valley des écoles comme la Waldorf School qui promettent « une éducation de retour à la nature, presque sans écran », alors que dans certains États – comme le Kansas – le budget pour l’instruction est si réduit que les cours dans les écoles publiques se font sur logiciel. La logique adoptée est celle du moindre coût, puisque « tout lieu pouvant contenir un écran (salles de classe, hôpitaux, aéroports, restaurants) peut réduire les dépenses. Et toute activité pouvant se produire sur un écran devient moins chère ». Un autre cas de figure s’illustre dans la lutte contre la solitude des personnes âgées. Plutôt que de privilégier l’accompagnement humain, de nombreuses start-up développent des logiciels qui permettent d’interagir avec un avatar. Les premiers résultats d’une étude menée par l’entreprise Care.Coach montrent que ces compagnons virtuels ont une influence positive : « Les patient-e-s disposant de ces avatars avaient besoin de moins de visites d’infirmiers-ières, se rendaient moins souvent aux urgences et se sentaient moins seul-e-s. » On y voit surtout des économies dans les dépenses de santé… Rien d’étrange donc à ce que Humana, l’un des plus grands assureurs santé aux États-Unis, ait commencé à utiliser ces avatars. [The New York Times] [ENG]
  • Gilets noirs cherchent Premier ministre : né en novembre 2018, le mouvement des « Gilets noirs » a attiré l’attention dernièrement avec une action symbolique forte. Plus de 600 membres de ce mouvement, tou-te-s sans-papiers, maltraité-e-s et méprisé-e-s par l’État, se sont réuni-e-s au Panthéon, à Paris, afin de demander davantage de solidarité et de justice. Dénonçant également l’exploitation dont elles sont victimes, ces personnes revendiquent leur droit à des papiers pour mieux faire face aux entreprises peu scrupuleuses qui les font travailler sans contrat, dans la plus parfaite illégalité. Luttant contre ce système qui « produit des sans-papiers », les « Gilets noirs » appellent donc le ministre de l’Intérieur à s’entretenir avec eux, à régulariser leur situation et à changer de politique à l’égard des demandeurs-ses d’asile. Cependant, la réaction du gouvernement s’est faite dans la répression : il a envoyé les forces de l’ordre pour les chasser du Panthéon. Plusieurs personnes ont été arrêtées et sont susceptibles d’être déportées. Aujourd’hui, plus que jamais, le mouvement des « Gilets noirs » a besoin de soutien pour continuer sa lutte. [Libération]
  • Opinion | We Are Applauding the ‘Gift’ of an Affordable Education. Something Has Gone Wrong. : grâce à Robert Smith, un riche financier, 396 diplômé-e-s d’une université d’Atlanta verront leur prêt étudiant remboursé. Pour autant, la nouvelle n’est pas aussi réjouissante qu’elle en a l’air. Car aux heureux-ses élu-e-s il nous faut opposer les « centaines de milliers d’autres membres de la promotion de 2019 », celles et ceux qui « porteront le fardeau d’une dette inouïe à l’aube de leur vie adulte. » Aux États-Unis, selon des chiffres de 2016, les personnes fraîchement diplômées de l’enseignement supérieur doivent rembourser en moyenne 30 301 dollars à leur créancier. Elles commencent donc leur vie active totalement endettées. Dans le pays, l’échec des politiques publiques a ainsi rendu les actes de philanthropie nécessaires. Le secteur de la santé étant particulièrement touché, il n’est pas rare que des étasunien-ne-s se voient obligé-e-s de lancer des campagnes de dons afin de récolter les fonds pour payer leurs traitements médicaux. Cela tient notamment à la mise en œuvre, depuis plusieurs années, de politiques visant à la réduction constante de l’imposition du revenu des plus riches. [The New York Times] [ENG]

 

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  • RévâsSéries, la vie de la rédac depuis son canapé : 16 décembre 2012, 23 heures, New Delhi. Une femme et un homme sont retrouvé-e-s nu-e-s, le corps ensanglanté, le long d’une route passante. Jyoti Singh a été violée et rouée de coups par six hommes dans un bus en marche. C’est le début d’une traque policière pour retrouver le plus vite possible ses agresseurs, et le début d’une affaire qui marquera l’Inde durablement. C’est cette histoire mais aussi ses conséquences bien réelles qu’a voulu montrer Richie Mehta dans sa superbe série anthologique Delhi Crime, disponible sur Netflix. En plus d’être captivants, les sept épisodes exposent parfaitement les ambivalences d’une société indienne tiraillée entre les horreurs prononcées par les traditionalistes et l’envie de changement de la jeunesse. C’est aussi l’occasion pour nous, spectateurs-rices, de nous confronter à d’autres visions, d’autres réalités. Si cette histoire est indéniablement difficile, son traitement filmique est incroyablement intelligent. La violence n’est jamais montrée gratuitement. Enfin, le casting est superbe. L’actrice bollywoodienne Shefali Shah est brillante dans son rôle de commissaire adjointe, intransigeante et prête à tout pour rendre justice à Jyoti Singh. Et le reste des acteurs-rices, qui alternent entre l’hindi et l’anglais, sont impeccables. Une œuvre dure, mais qui bouscule nos habitudes.

Delhi Crime, créée par Richie Mehta, 2019. © Netflix

  • La vidéo de la semaine :  Marine Périn est journaliste et féministe : elle a publié des vidéos critiques et limpides sur des sujets comme l’injonction au corps glabre, le harcèlement au travail ou l’écriture inclusive. Sa dernière en date, d’utilité publique, concerne les violences conjugales : elle déconstruit point par point les stéréotypes qui contribuent à isoler, fragiliser et délégitimer les victimes, entraînant des conséquences souvent fatales. Pour rappel, en France, une femme est assassinée par son conjoint ou ex-conjoint tous les deux jours.

 

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Image de une :  Sarah Vaughan, 1963. © Riccardo Schwamenthal/CTSIMAGES/Resonance records