Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Huge Crowds Around the Globe March in Solidarity Against Police Brutality : à la suite du meurtre de George Floyd, 46 ans, tué par un policier blanc à Minneapolis, aux États-Unis, des rassemblements antiracistes se déroulent partout dans le monde (des États-Unis à la France, en passant par le Japon, l’Angleterre ou encore le Zimbabwe et le Mexique) pour protester contre les violences policières. En France, à Paris, le 2 juin 2020, avait lieu un rassemblement historique devant le tribunal de grande instance, réunissant des milliers de personnes. L’appel avait été lancé par le comité de soutien à la famille d’Adama Traoré, mort en 2016 à la gendarmerie de Persan. Depuis, des rassemblements se multiplient à travers le pays pour protester contre le racisme systémique, l’impunité de la police et réclamer justice pour toutes les personnes victimes de la brutalité des forces de l’ordre. [The New York Times] [ENG]
  • The Anti-Black Racism Pandemic Cannot Be The New Normal : « C’est plus simple de faire comme si tout allait revenir à la normale, plutôt que d’accepter que notre réalité soit à tout jamais changée. » Dans cette tribune, Kathleen Newman-Bremang explore les implications de cette idée de « normalité ». Alors que la majorité visible est composée d’individu-e-s privilégié-e-s s’inquiétant de devoir décaler leurs vacances, les personnes racisées, elles, n’ont pas l’option de pouvoir reporter leur souffrance et leur trauma. La normalité a donc un sens différent quand, quotidiennement, l’on expérimente la violence d’une société raciste. Kathleen Newman-Bremang revient aussi sur la façon dont les manifestant-e-s noir-e-s sont toujours interpellé-e-s avec violence, alors qu’il y a encore quelques semaines, des Blanc-he-s armé-e-s manifestant contre la quarantaine aux États-Unis avaient rencontré très peu d’opposition par les forces de police. [Refinery 29] [ENG]
  • Violences policières : celles et ceux qui se reconnaissent dans les propos de Camélia Jordana : lors de son passage à l’émission On n’est pas couché, Camélia Jordana a suscité la colère des syndicats policiers pour avoir dit que oui, de nos jours, « des hommes et des femmes se font massacrer [par la police] quotidiennement en France, pour nulle autre raison que leur couleur de peau ». Cet article regroupe neuf témoignages de personnes racisées, montrant que ce ressenti est loin d’être isolé. Priscillia Ludosky exprime par exemple qu’« il y a des choses qui se voient plus qu’avant, notamment depuis les “gilets jaunes”. Le comportement que peuvent avoir les forces de l’ordre a été révélé ». [France Inter]
  • George Floyd could not breathe. We must fight police violence until our last breath : « George [Floyd], comme Dreasjon Reed, Breonna Taylor et d’autres Noir-e-s tué-e-s par la police cette année [aux États-Unis] devraient être vivant-e-s, devraient respirer. Ce cycle – meurtre, protestation, appel à la justice, non-inculpation – est révélateur. Nous devons nous joindre les un-e-s aux autres pour réduire le pouvoir de la police avant, pendant et après ces meurtres qui font le tour de la presse et des réseaux sociaux. La réforme de la police ne suffit pas. Nous avons besoin qu’elle soit abolie. » Cet appel à l’abolition de la police par l’éditorialiste Derecka Purnell est important. Elle nous demande d’envisager la destruction pure et simple d’institutions considérées comme des piliers de nos sociétés depuis longtemps. Des institutions qui se révèlent souvent racistes (et pas seulement aux États-Unis). Car la réforme ne suffit en général pas face à un problème systémique. « Les Afro-Américain-e-s, tout comme les personnes indigènes et les membres des Premières Nations, nous rappellent que les colonisateurs-rices blanc-he-s ont pillé des terres, commis des génocides et asservi des gens pour bâtir une démocratie. En conséquence, les corps noirs et indigènes restent une nuisance publique que certain-e-s veulent faire disparaître, exploiter, emprisonner ; des corps qui sont assassinés par les Blanc-he-s et la police. Il y a une raison si ces personnes et institutions veulent que nous vivions dans la peur constante de ces possibilités. C’est pourquoi la résistance noire est importante, contre la police et la suprématie blanche. » Pour aller plus loin sur ce sujet, étroitement lié à la question des prisons, on te recommande par ailleurs le livre Une lutte sans trêve d’Angela Davis (La Fabrique), qui réunit des textes de la militante, notamment sur les violences policières, le complexe industrialo-carcéral américain et l’impérialisme. [The Guardian] [ENG]
  • Women Have Always Worked From Home : la charge mentale est une réalité et, « en période de crise économique, quand le tissu social se déchire, ce sont [toujours] les femmes qui se mobilisent pour le raccommoder », écrit l’essayiste et journaliste Laurie Penny. « En géopolitique comme dans la vie privée, les hommes ont le droit de semer le désordre, et les femmes se bousculent pour nettoyer après eux, et elles sont censées le faire sans se plaindre, parce que “quelqu’un-e doit s’en charger”. Les communautés peuvent fonctionner pendant quelques semaines sans comptables agréé-e-s ; mais sans quelqu’un-e pour s’occuper des enfants, de la cuisine et du nettoyage, les communautés s’effondrent. Est-ce le moment de se plaindre de quelque chose d’aussi trivial que le travail domestique ? Oui. C’est même le moment idéal. Parce que le travail domestique n’est pas trivial, et la pandémie de Covid-19 l’a prouvé. » Selon les statistiques, explique la journaliste, les femmes ont une nouvelle fois récupéré la charge en cette période de crise, et plus particulièrement durant le confinement. Cela est révélateur d’un problème systémique, dont le poids repose essentiellement sur les épaules des femmes : « Les estimations de la valeur réelle de la main-d’œuvre non rémunérée des femmes vont de 10 à 39 % du PIB de la plupart des pays développés – plus que l’industrie, le commerce ou le transport. Cela est habituellement présenté comme un état de fait moralement neutre, plutôt que comme une preuve accablante d’un échec sociétal. » [Wired] [ENG]
  • Après huit mois de grève et deux de confinement, les travailleuses en lutte de l’hôtel Ibis ne lâchent rien : depuis le 17 juillet 2019, 20 femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles font grève. Si le confinement a évidemment perturbé les choses, leur lutte continue. Actuellement embauchées par une société de sous-traitance, elles sont parfois amenées à faire le double d’heures sans aucune augmentation salariale. Leur principale revendication est « leur intégration à l’hôtel Ibis, afin que leurs conditions de travail soient déterminées par les conventions collectives de l’hôtellerie ». Des discriminations raciales sont également pointées du doigt par les grévistes : « En fait, s’ils choisissent délibérément de sous-traiter ce service-là en priorité, c’est qu’il y a là très majoritairement des travailleuses d’origine africaine, qu’ils estiment plus exploitables. C’est une corrélation d’arguments économiques et de racisme qui motivent ici le recours à la sous-traitance. » [Basta !]

 

Dans la bibliothèque et les oreilles de Deuxième Page

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine :  la science-fiction et la fantasy sont des genres précieux pour imaginer des alternatives au monde violent dans lequel nous vivons. C’est d’ailleurs pour cela que leur plus belle expression naît bien souvent de la plume de personnes marginalisées, de celles qui n’appartiennent pas au modèle hégémonique capitaliste, patriarcal, blanc. L’une des autrices essentielles à ces genres est Ursula K. Le Guin, qui, malgré l’importance de ses écrits, reste encore méconnue, particulièrement en France. Pour celles et ceux qui ont pu croiser son nom et souhaiteraient se plonger dans ses univers extraordinaires, une question revient souvent : par où commencer ? La réponse la plus évidente est Terremer. En 2018, Le Livre de Poche a sorti une édition intégrale en français, réunissant tous les tomes, nouvelles et essais de l’autrice en rapport avec sa saga passionnante. Cela représente 1 800 pages et des heures de lecture (le prix est donc élevé pour un livre de poche − 22,90 euros −, mais il faut voir cela comme un véritable investissement sur le long terme). Tu pourras ainsi te plonger dans les aventures du sorcier Ged sur l’archipel de Terremer, découvrir un monde fait d’îles, de leurs communautés et, bien sûr, de magie. La beauté de cette saga réside dans son évolution, par sa déconstruction du monomythe et de son héros blanc tout puissant. Le Guin évoque d’ailleurs longuement dans ses essais comment les maisons d’édition ont systématiquement mis des Blanc-he-s sur ses couvertures, alors que l’essentiel des protagonistes de ses histoires sont des personnes racisées. Les tomes préférés de la saga à la rédaction sont Les Tombeaux d’Atuan (tome 2) et Tehanu (tome 4). C’est dans ceux-ci que l’autrice fait appel à une émotion qui nous intéresse particulièrement en ce moment : la colère. En postface, elle écrit : « Dans [ces livres], où les femmes occupent une place centrale, il y a une forme de colère qui me paraît absente du Sorcier ou de L’Ultime rivage. C’est celle de l’opprimé, furieux contre l’injustice sociale, une rage vengeresse trop souvent réservée au féminin. J’avais finalement appris à reconnaître une telle colère en moi-même, et à l’exprimer sans injustice » (p. 1026). Si la voix d’Ursula K. Le Guin s’est éteinte en 2018, elle nous laisse quantité d’écrits indispensables à explorer encore et encore, alors que tout semble s’écrouler autour de nous. Elle nous dit, invariablement : l’espoir est là, il suffit de savoir où regarder.

Tu retrouveras cette merveilleuse autrice dans notre premier magazine papier. Procure-toi ce beau bébé de 176 pages sur Ulule dès le 9 juin !

  • Passion podcasts, l’émission à écouter cette semaine : la coach Marie Dasylva, créatrice de l’agence d’empowerment Nkali à destination des personnes racisées, a lancé son podcast ! Better Call Marie a pour objectif de décortiquer les problématiques rencontrées par les personnes racisées dans leur environnement professionnel. En deux épisodes, Marie nous a déjà conquis-es. Elle a commencé par une lettre parlée : elle y aborde l’anxiété ainsi que l’injonction à la productivité, en compagnie de la psychologue Stella Tiendreobogo. Et dans le deuxième, elle analyse la situation de Sabrina, qui hésite entre finir son stage de fin d’études, malgré les risques qui pèsent sur sa santé mentale, et le quitter, avec toutes les conséquences que cela comporterait, notamment une perte d’indépendance financière. Il n’est pas question ici de solution magique, mais bien d’apporter à Sabrina, et aux personnes qui écoutent, des stratégies et des armes pour évoluer dans le monde du travail, malgré les difficultés et les discriminations qu’elles y subissent. Marie sait de quoi elle parle. Elle le rappelle dans l’épisode 2 : son agence est « née de la colère et de la frustration de ne jamais avoir pu communiquer sur ce qu’[elle] vivai[t] en tant que femme, en tant que Noire au travail. [Ses] humiliations sont des plaies qu’[elle] a cautérisées et transformées en savoir tactique. » Et son savoir tactique, elle nous le partage dans son podcast, à écouter de toute urgence.

 

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Image de une : Rassemblement à Paris, mardi 2 juin 2020, devant le TGI. Malgré l’interdiction de la préfecture de police plus tôt dans la journée, des milliers de personnes se sont réunies à l’appel du Comité Adama. © Michel Euler/Associated Press