Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Julia Cagé : « On a laissé la démocratie être corrompue par le poids de l’argent privé » : depuis de nombreuses années, l’économiste française Julia Cagé alerte sur les conséquences désastreuses du capitalisme. Dans son dernier livre, elle parle notamment de l’influence grandissante de l’argent privé dans la sphère publique, notamment par le financement des partis politiques : « On a laissé la possibilité aux plus riches d’avoir beaucoup plus de voix que les plus pauvres et cela, c’est un vrai danger : les hommes et les femmes politiques élus ne s’adressent plus qu’à ceux qui les financent. Ça explique les politiques mises en œuvre par Emmanuel Macron depuis le début de son quinquennat, notamment les cadeaux fiscaux aux plus riches, et la crise actuelle des gilets jaunes. » [Les Inrocks]
  • Gilets jaunes : voile médiatique sur les violences policières : fin décembre 2018, une enquête d’Amnesty International dénonçait « le recours excessif à la force par des policiers » lors des manifestations des gilets jaunes. Ce rapport est accablant et alarmant. Malgré tout, celui-ci a fait l’objet d’une couverture médiatique quasi nulle, tous médias confondus, et dans certains cas, les violences policières ont été justifiées par des éditorialistes. Cet « oubli » n’en est pas un, il témoigne d’une forme de complicité médiatique inacceptable, alors que la brutalité policière augmente et que celle-ci a des conséquences concrètes : un décès, un coma et de nombreuses mutilations – cela a notamment été traité par Bastamag dans un papier que nous avions d’ailleurs précédemment relayé. [Acrimed]
  • En 2019, les cadeaux aux riches et aux entreprises feront peser une lourde menace sur le modèle social français : que signifient réellement les mesures fiscales annoncées et prises par les pouvoirs publics ? Quelles en sont les conséquences pour la population, les entreprises et notre système de protection sociale ? Il est indéniable que les cadeaux faits aux riches et aux structures privées n’ont pas pour but de préserver un modèle de solidarité. Cet article analyse finement la politique fiscale du gouvernement et alerte sur les menaces qui pèsent sur l’ensemble des protections sociales et des services publics, lesquels risquent de disparaître par manque de financement. [Basta !]
  • Playing the fool: the pioneering women of clowning : aux premiers temps du cinéma, alors que le septième art était encore à inventer, de nombreuses femmes – aujourd’hui oubliées – ont su prendre les devants et innover. Désireuses d’être prises au sérieux, certaines d’entre elles ont investi un genre bien particulier, celui de la comédie, et notamment l’art de la pantomime. Le British Film Institute met à l’honneur, dans une exposition photographique, ces drôles de dames qui avaient décidé de faire rire pour mieux faire réfléchir. Au vu de l’état de nos sociétés aujourd’hui, c’est un baume au cœur dont l’on a bien besoin. [BFI] [ENG]
  • Socialism Is For Humanity : le déclin de la souveraineté du pouvoir religieux et la montée des systèmes étatiques capitalistes et libéraux ont laissé un grand vide quant à la place occupée par la solidarité. Un vide que le socialisme, depuis Marx, s’était donné pour mission de remplir. « Donnez la lumière, disait la militante afro-américaine Ella Baker, et le peuple trouvera la voie. » Un article enrichissant qui donne une bonne occasion de relire l’histoire des mouvements de contestation partout dans le monde. [Jacobin] [ENG]

 

Sur l’écran et dans les mains de la rédac de Deuxième Page

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : comment prendre soin les un-e-s des autres lorsque l’on est queer dans une société discriminante ? Yuhki Kamatani ébauche des réponses dans son dernier manga, Éclat(s) d’âme. Outé malgré lui la veille des vacances d’été, Tasuku envisage de se suicider, juste avant de rencontrer l’hôte d’un étrange salon de discussion. Il s’agit d’un espace queer et bienveillant, où se retrouvent des personnes LGBTQ+ afin de se préserver des violences homophobes et transphobes. Le manga aborde avec beaucoup de force et de pertinence la complexité dans laquelle est plongé Tasuku, encore mal à l’aise avec son homosexualité, mais aussi confronté à ses propres préjugés. Le salon de discussion abrite, tant pour les lecteurs-rices que pour les personnages, un lieu ressource dans lequel trouver des outils face aux discriminations ainsi qu’une seconde famille, et être soi-même, sans honte ni tabou est enfin possible – démontrant par là même l’importance vitale des espaces non-mixtes. Une grande tendresse se dégage des déambulations amoureuses, romantiques et humaines de Tasuku, qui n’est cependant pas écarté des déceptions et des violences. Le style esthétique de Yuhki Kamatani épure ou charge les espaces selon les situations et parvient à illustrer à merveille les émotions bouleversantes que subit Tasuku.

  • #Projectrices : le projet féministe de la semaine : « Nous sortir de la Muse, de l’inspiration. Ne plus être passif-ve, ni en attente. Ne plus sourire lascivement, ne plus être l’objet de la passion, le sujet du désespoir. Quitter le mutisme statuaire et oublier l’ombre de l’artiste cismasculin. Ne plus être “la-e partenaire de Monsieur”. S’autonomiser, ne plus dépendre. Lutter contre l’hégémonie cismasculine dans l’art, toujours présente. S’émanciper du male gaze et défendre un regard féminin, queer, féministe, positif, inspirant. » Ainsi débute le manifeste de Polysème Magazine, une initiative née en mai 2018 de la volonté de créer une alternative aux médias artistiques classiques. Les créatrices, Raphaela Icguane et La Fille Renne, n’ont pas pour objectif de proposer simple un magazine, mais un vrai réseau d’artistes et d’auteurs-rices afin qu’une création commune, bienveillante et plurielle soit possible. Elles ont pris le parti d’une non-mixité dans le choix des contributeurs-rices du magazine, puisque seules les femmes (cis et trans) et les personnes trans binaires et non binaires sont visées par les appels à projets. Le premier numéro, dont le thème était « Peau(x) », est toujours disponible en prévente. Le 15 janvier au soir, le thème du troisième sera annoncé, alors que l’appel à projets du deuxième (« Ville et espace(s) urbain(s) ») prendra fin. Les créatrices sont particulièrement fières de constater que le premier numéro a déjà permis à des artistes de se rencontrer, de collaborer dans un cadre safe et préservé, et espèrent diffuser d’ici les prochains mois certains travaux.

 

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Image de une :  l’actrice américaine Clara Bow, photographiée par George Hommel pour le film Dangerous Curves (1929). © BFI National Archive