Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • No, men aren’t better at reading maps: the best books exposing gender myths : la neuroscientifique en cognition Gina Rippon a fait une excellente sélection de cinq livres pour enfin annihiler les mythes autour du genre (du type : les hommes savent mieux lire une carte que les femmes et celles-ci sont plus douées avec les mots car les deux côtés de leur cerveau traitent le langage). Pour en finir avec toutes ces idées fausses, tu peux donc lire : Delusions of Gender de la philosophe et psychologue Cordelia Fine, The Mind Has No Sex? de l’historienne des sciences américaines Londa Schiebinger, The Lie Tree de l’écrivaine Frances Hardinge, The Trouble With Women de la dessinatrice Jacky Fleming (dispo en français chez Dargaud) et Woman on the Edge of Time de la romancière Marge Piercy. [The Guardian] [ENG]
  • Mort d’Adama Traoré : une expertise médicale relance l’hypothèse de l’asphyxie : le lundi 11 mars 2019, la famille d’Adama Traoré dévoilait les résultats de la contre-expertise médicale qu’elle avait demandée à quatre spécialistes. Les juges d’instruction avaient en effet innocenté les trois gendarmes qui avaient interpellé le jeune homme en juillet 2016. Les professeur-e-s des Hôpitaux de Paris affirment qu’Adama Traoré n’est pas mort des conséquences des pathologies dont il souffrait et conseillent donc de « se poser la question de l’asphyxie positionnelle ou mécanique ». L’expertise a été transmise aux juges d’instruction, et à la lumière de ces résultats, la famille souhaite donc que l’enquête soit rouverte et les gendarmes, réentendus. [L’Express]
  • Opinion | Without Humans, A.I. Can Wreak Havoc : à l’occasion des 30 ans de l’Internet, Katherine Maher, la directrice générale de la Wikimedia Foundation, partage ses pensées concernant le futur de l’intelligence artificielle, et le besoin que celle-ci soit de nature complémentaire pour véritablement nous bénéficier : « Il est clair [que sur le Net] les gens sont le dénominateur commun. En effet, beaucoup des problèmes actuels de l’Internet découlent d’efforts malavisés pour déposséder les gens du Web, ou vice versa. Parfois, cela se produit pour des raisons géopolitiques. […] Mais les personnes sont aussi retirées de l’équation de façon plus opaque. Quand vous parcourez les réseaux sociaux, le contenu que vous voyez est organisé et trié, non par un-e éditeur-rice humain-e mais par un algorithme qui vous met dans une catégorie. De plus en plus, les algorithmes peuvent aider à décider de ce qu’on lit, avec qui on a un rencard, de ce qu’on achète et de manière plus inquiétante, les services, les crédits ou même les libertés pour lesquels nous sommes admissibles. Trop souvent, l’intelligence artificielle est présentée comme une solution toute puissante à nos problèmes, un remplacement évolutif des êtres humains. Les entreprises automatisent pratiquement chaque aspect de leurs interfaces sociales, de la création à la modération en passant par la personnalisation du contenu. Dans le pire des cas, l’intelligence artificielle peut mettre la société en pilote automatique, lequel ne peut pas prendre en considération nos valeurs les plus chères. […] Sans les humain-e-s, l’intelligence artificielle peut faire des ravages ». [The New York Times] [ENG]
  • Barry Jenkins: ‘People of colour have been looking into white eyes forever’ : une interview passionnante du réalisateur du récent Si Beale Street pouvait parler et de l’oscarisé Moonlight. En expliquant les liens qui existent entre l’œuvre de James Baldwin et la sienne, Barry Jenkins parle intimement de cinéma, d’histoires et d’esthétique, de représentation et de politique : « L’esthétique [au cinéma] ne peut être considérée comme quelque chose d’acquis. La critique Miriam Bale – qui est aussi une amie – dit souvent que l’esthétique est politique. On ne peut pas séparer esthétique et politique. Autrement, on parlerait juste d’histoires. Et il y a un meilleur format pour les histoires que le cinéma, c’est un fait : la littérature. Avec celle-ci, on peut entrer dans la vie intérieure des personnages. Il n’y a aucune limite à l’imagination. Mais ce n’est pas du cinéma. Au cinéma, l’histoire est une chose, et l’esthétique en est une autre. Les deux fonctionnent de concert, mais l’esthétique n’est pas simplement là pour servir l’histoire. Les deux sont à la fois outils et méthodes. Elles sont la métaphore. Le cinéma, ce n’est pas se contenter de raconter des histoires ». [Little White Lies] [ENG]
  • We shall speak their names: remembering the victims of the Christchurch mosque shootings : le vendredi 15 mars 2019, le suprémaciste blanc australien Brenton Tarrant commettait un attentat terroriste en Nouvelle-Zélande, au sein de deux mosquées. Il a assassiné 50 personnes, tandis que 39 sont toujours hospitalisées dont 11 en état critique. Comme le rappelle la presse, ce jour-là, la Première ministre avait reçu le manifeste de l’Australien neuf minutes avant le début de l’attaque. Ce document met en avant son islamophobie et ses diverses inspirations. Ses sources sont multiples et convergent toutes en un point : la nécessité de mettre fin « au danger musulman ». Dans le contexte qui est le nôtre, de haine raciste et d’amalgames, il est précieux de garder les idées claires et l’esprit critique. Soutenons nos ami-e-s musulman-ne-s, combattons les discriminations et toutes formes d’oppressions, tant qu’il le faudra. Plus que jamais, mettons des visages sur celles et ceux qui ont disparu, et rendons-leur hommage, chacun-e à notre manière. [The Guardian] [ENG]
    • Golriz Ghahraman speech in response to the Christchurch mosque terror attacks : c’est une parole nécessaire qu’a proposé la députée néo-zélandaise Golriz Ghahraman, lors d’un discours au Parlement. L’élue dont la famille a trouvé refuge en Nouvelle-Zélande quand elle avait 9 ans raconte comment elle et ses proches ont été accueilli-e-s avec bienveillance et amour lorsqu’ils et elles sont arrivé-e-s d’Iran. C’est ce pays de tolérance et d’accueil qu’elle défend et protège, et c’est en mémoire des victimes de Christchurch qu’elle prend la parole, face à la haine. La compassion doit être l’alliée de la vérité, et elle l’affirme : « Nous devons à ces victimes la vérité. Il s’agissait d’une attaque terroriste, commise par des suprémacistes blancs ». Elle évoque l’importance de l’écoute des minorités, dont le vécu est particulièrement difficile en Nouvelle-Zélande – les populations aborigènes sont toujours oppressées – et réaffirme un besoin de solidarité. Sans nier la responsabilité des institutions politiques dans la propagation des discours de haine, elle propose une stratégie fondée sur l’empathie et l’entraide : « Le monde nous regarde. Nous n’avons pas droit à l’erreur. Nous devons prouver au reste du monde que l’amour, la paix et la compassion sont des forces bien supérieures à celles de la haine et de la division. Nous devrons faire preuve de courage face aux conversations difficiles qui nous incombent en tant que pays. Nous devons, par la lumière que nous apporterons, dissiper les ombres que sont le racisme et la haine que l’on trouve encore çà et là dans notre société. C’est à partir du déferlement d’amour envers les communautés musulmanes et immigrées que nous avons pu constater ces derniers jours que nous devons renforcer notre tissu social de manière pérenne ». [Green Party of Aotearoa New Zealand]

 

Dans la bibliothèque et dans les oreilles de Deuxième Page

  • Sonores, des artistes qui méritent ton oreille attentive : les personnes qui ont eu la chance de découvrir son travail en 2016 avec son EP ou en 2018 avec sa collaboration aux côtés de la percussionniste japonaise Midori Takada vivaient dans l’attente insoutenable de son prochain projet solo… Et il est enfin là. Fin mars, l’artiste irano-égyptienne Lafawndah a sorti Ancestor Boy, son premier LP. Ici, ses explorations pop et RnB si caractéristiques sont majestueusement manipulées. Tout y est magnétique, expérimental, électro et dansant à souhait. Des morceaux d’une grande douceur se confrontent à la force brutale de sons quasi métalliques, bercés par la voix soyeuse et engageante de l’artiste. L’ensemble forme un tout proche de l’invocation rythmée, une fumée sonore mouvante s’évaporant jusqu’à des contrées futuristes. Dans Ancestor Boy, on peut sentir les multiples influences rencontrées durant ses voyages et son existence de globe-trotteuse. Le mélange est un joyeux capharnaüm avec une touche de délicatesse. Lafawndah (Yasmine Dubois, de son vrai nom) nous offre une œuvre hybride, indescriptible, et évidemment parfaite pour fêter l’arrivée du printemps. Tu l’auras compris, c’est à écouter en boucle – et fortement recommandé pour accompagner de futurs dimanches ensoleillés.

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semainele soleil et ses fleurs, la version française du deuxième recueil de poésie de Rupi Kaur a été publiée récemment. À l’instar de lait et miel, cet ouvrage mêle des textes très courts et des dessins d’une grande simplicité pour raconter ses expériences et son histoire. Se basant sur le cycle de vie des fleurs, la poétesse canadienne nous parle sans détour d’amour, de famille, d’immigration, de viol, de dépression, de la condition des femmes, de transmission… Des sujets forts qui trouvent écho en chacun-e d’entre nous, portés par l’une des voix féministes de la nouvelle génération. Même si la forme stylistique utilisée (vers courts sans ponctuation) peut être déroutante de prime abord, elle permet aussi d’aller droit au but, et de nous toucher au cœur. Rupi Kaur met des mots sur des émotions qui nous transpercent. Il y a dans sa poésie du réconfort et de la consolation. Les versions originales de ses deux recueils – milk and honey et the sun and her flowers – se lisent facilement sous réserve de comprendre un minimum l’anglais. Les versions françaises restent fidèles au contenu original même si, on le sait, la traduction de poèmes est un art difficile. Cela dit, NiL Éditions a fait un super travail, et a enfin rendu la littérature de Rupi Kaur accessible aux francophones, ce qui est une très bonne nouvelle.

 

Les articles les plus lus sur Deuxième Page

  • Journal du cancer, la résilience poétique selon Audre Lorde : dans son Journal du cancer, la poétesse Audre Lorde raconte comment sa maladie, malgré la difficulté du combat, a fait naître en elle une résilience singulière, féroce. Aujourd’hui, le récit de son cancer du sein et les réflexions qu’elle a posées sur papier constituent des ressources inestimables.
  • Playlist : Descend and calm the tumults of my breast (Lady Caroline Lamb) : en l’honneur de l’autrice romantique Lady Caroline Lamb, Annabelle a réuni comme dans un recueil des pièces musicales où des voix féminines brisent les ténèbres. De même, sa voix personnelle se mêle dans l’écriture à celle de la poétesse, manifestant le deuil et le cri de l’âme comme autant de fleurs douces et amères.
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  • Mémorandom #53 : Mémoire de corps – honte et origines : comment affronter le gouffre qui peut séparer un père et sa fille lorsque le langage devient une barrière à la communication ? Il suffit d’un trajet en train et d’un livre pour que ces questions peu à peu se résolvent.
  • Ross Geller est-il le pire personnage masculin de la pop culture ? : la série Friends et ses personnages ont marqué une génération. Il est pourtant légitime d’interroger le fonctionnement des personnages de nos fictions préférées afin d’analyser leurs problématiques et enjeux. Ross Geller n’y échappe pas : et si le voisin sympathique n’était finalement pas un mec si bien ?

 


Image de une :  Lafawndah. © Mathilde Agius