Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Combien de philosophEs ? : qui représente la philosophie en France ? Majoritairement des hommes. Les philosophEs, elles, sont sous-représentées à l’université, que ce soit en tant que professeures, conférencières ou intervenantes. Et les penseuses du passé sont logées à la même enseigne. Elles ne sont pas étudiées au lycée et ignorées par grand nombre de leurs pairs. Elles sont « minorisées ». Cette tribune, signée par 60 philosophEs, dénonce l’entre-soi « des hommes qui pensent sur des hommes pour des hommes. » Au-delà de l’aspect inégalitaire, cette situation conduit à limiter les débats, mais aussi des interrogations et des réflexions pourtant essentielles (« sur le genre, le féminisme, la sexualité, les antagonismes sociaux, environnementaux, sur le décolonial, le handicap ou tout autre courant “hétérodoxe” »). [Libération]
  • Algorithms are controlling your life : que nous le réalisions ou non, ces dernières années, nos vies sont rythmées par les algorithmes. Pour Hannah Fry, mathématicienne de l’University College de Londres, bien qu’en eux-mêmes les algorithmes ne sont ni bons ni mauvais, nous devrions malgré tout davantage prêter attention à celles et ceux qui les programment : « Nous vivons au cœur d’un Far West technologique où l’on peut collecter les données privées des gens sans leur permission et les vendre à des publicitaires. On transforme les gens en produits, et ils ne s’en rendent même pas compte. Et certain-e-s peuvent faire toutes les déclarations qu’ils et elles veulent au sujet de ce que leur algorithme est en mesure de faire, même si c’est absolument faux. Et personne ne peut réellement les en empêcher. » [Vox] [ENG]
  • Françaises, Français : le langage inclusif n’est pas une nouveauté ! : lorsque certain-e-s défendent la « noblesse » de la langue française contre la décadence de celles et ceux qui tentent de pallier le déséquilibre créé depuis des décennies, ces personnes omettent volontairement la longue histoire de sa transformation. Cet article fort enrichissant te rappelle que ce que l’on sait de la grammaire française telle qu’on nous l’apprend à l’école a bel et bien été le résultat d’une politique misogyne (et relativement récente) de l’Académie française. Le grand débat sur l’écriture inclusive ne ferait que jeter un voile sur son historicité, qu’il s’agirait une bonne fois pour toutes de lever : « Que l’école, chargée malgré elle d’enseigner que “le masculin l’emporte sur le féminin”, pourrait enseigner qu’il l’a emporté longtemps parce que des misogynes le voulaient ainsi, mais qu’il ne l’emporte plus, parce des féministes et des hommes progressistes se sont battus contre eux pendant des siècles, et qu’elles et ils ont finalement gagné la partie ». [The Conversation]
  • « Il y a dix fois plus de microplastique dans l’air intérieur qu’extérieur » : les microplastiques sont présents absolument partout. On sait aujourd’hui les conséquences désastreuses du plastique dans les océans, moins celles de l’ingestion quotidienne de microplastiques par l’organisme. « Beaucoup de fibres plastiques sont présentes dans l’atmosphère. Il y en a dix fois plus dans l’air intérieur qu’extérieur. […] Plus on est proche des centres de forte activité, plus la contamination est importante. Les zones périurbaines sont moins touchées. On retrouve cependant des fibres plastiques dans des zones assez éloignées comme les Pyrénées ou dans la zone arctique. C’est quelque chose d’omniprésent. » [Libération]
  • Cessez de faire de votre expérience des rapports femmes-hommes une généralité : dans un nouveau texte, Titiou Lecoq met les choses au point. Les inégalités femmes-hommes, « ce n’est pas une opinion, c’est un constat basé sur des chiffres et des analyses ». Le féminisme est une chose sérieuse, pas un hobby. Aux yeux de la journaliste, il est donc nécessaire que le plus grand nombre se rassemble et lutte ensemble. C’est pour cela que Titiou Lecoq participera à la marche NousToutes du 24 novembre 2018. [Slate.fr]

 

Sur l’écran de la rédac de Deuxième Page

  • Passion Podcasts, l’émission à écouter cette semaine : YESSS est un podcast lancé par trois femmes : Margaïd Quioc, Elsa Miské et Anaïs Bourdet, la créatrice de Paye Ta Shnek. Ce « podcast de warriors » a un but : mettre en lumière des femmes ordinaires qui ont répliqué et résisté dans des situations compliquées, et qui ont recadré, en mots ou en actes, des harceleurs et agresseurs. Par leurs témoignages, elles montrent qu’il est possible de faire face et de reprendre le pouvoir, de manière parfois surprenante. Ce podcast est bon pour le moral, il peut même te donner quelques idées et du courage ! Pour rappel : il n’y a cependant aucune obligation à réagir aux agressions dans l’espace public et aucune méthode miracle. On fait ce qu’on peut. Et on prend sa dose de victoire chez YESSS.

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : dans le premier tome de Crépuscule du tourment, l’on découvre quatre voix de femmes, dialoguant avec un destinataire fantôme. Alors qu’elles s’adressent à cet autre, le même homme, il semble qu’elles nous parlent à nous, lectrices et lecteurs. Elles tissent ainsi à plusieurs voix le récit d’un présent, en Afrique subsaharienne, mais aussi celui du passé, et dévoilent leur lien indénouable. Chaque parole est porteuse de révélations, de choses longtemps dissimulées, enfin formulées. Les histoires se mêlent à celle que l’on se plaît à habiller d’une lettre capitale. Dans ce roman, Léonora Miano évoque l’esclavage et la colonisation, et leurs conséquences profondes dans la vie des gens encore aujourd’hui, dans les structures de sociétés tout entières. Elle met des mots sur les traumas, génération après génération, et la douleur toujours présente des afrodescendant-e-s. Dans le cœur de son texte, l’autrice aborde sans tabou l’intime, l’amour et les sexualités, la spiritualité et la religion. Mais elle raconte aussi la violence et les violences faites aux femmes, les oppressions subies et les sacrifices. Fond et forme nous prennent à la gorge et nous obligent à réfléchir, à faire face. Comment vivre avec son passé, lourd de souffrances et de secrets ? Est-on déraciné-e seulement lorsque l’on part ? Faut-il nécessairement se perdre pour se retrouver ? Comment se reconstruire quand on nous a pris jusqu’à nos noms ? Il y a dans ce livre chargé en émotions des raisonnements nécessaires, habilement amenés par un croisement entre réalité et fiction. Le style – particulier, lyrique – peut dérouter. Mais il permet peut-être de rendre la souffrance moins crue à la lecture, ou du moins nous en donne l’impression. Car il y a ici trop de vérité et de justesse pour ne pas être touché-e au cœur. Une lecture indispensable et bouleversante.

 

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Image de une :  RBG, réalisé par Betsy West et Julie Cohen, 2018. © L’ Atelier Distribution / Magnolia Pictures