Les coups de cœur de Think tank by 2P

  • Viola Davis: ‘I stifled who I was to be seen as pretty. I lost years’ : Viola Davis a 53 ans, elle est actrice, elle est femme, elle est noire. Dans le nouveau film de Steve McQueen, Les Veuves, où elle tient un des premiers rôles, elle souligne un fait rarissime dans l’histoire du cinéma hollywoodien : une femme noire embrasse son mari blanc, lui-même joué par un acteur de renom (Liam Neeson). « Je dis toujours qu’il y a une chose qui manque au cinéma, c’est cette femme noire ordinaire, explique-t-elle. Pas un personnage didactique, dont le seul rôle dans l’histoire est d’illustrer une anomalie sociale ». De son propre aveu, Viola Davis a incarné une quantité de rôles sans conviction réelle, pour avancer dans sa carrière. Aujourd’hui, elle fait le point sur l’espace réduit de liberté dont jouissent les femmes noires dans le monde du cinéma américain. [The Guardian] [ENG]
  • À Mantes-la-Jolie, des dizaines de jeunes agenouillés mains sur la tête : les images des interpellations des lycéen-ne-s de Mantes-la-Jolie sont insoutenables, et inacceptables. Rien ne justifie de telles méthodes, de telles humiliations. « Les mains entravées ou sur la tête, à genoux ou assis au sol, des dizaines d’entre eux étaient rassemblés dans le jardin d’un pavillon et dans une maison associative par quelque 70 policiers mobilisés pour cette opération. » [Libération]
  • Black Millennials Leave Church for African Witchcraft : la réappropriation de la figure de la sorcière continue de gagner du terrain. Certaines jeunes afro-américaines, nourries par la pop culture et par la volonté de s’affranchir du carcan du christianisme, s’investissent dans la sorcellerie. Ces sorcières noires reprennent le pouvoir sur leur corps et âme. Elles se tournent vers les origines ouest-africaines des traditions religieuses yoruba, prônant une spiritualité moins hiérarchique, plus autonome et plus respectueuse de la pluralité des individu-e-s qui la traversent. [The Atlantic] [ENG]
  • « Y aller ou non ? » : les associations LGBT+ face aux gilets jaunes et à leurs contradictions : le mouvement des « gilets jaunes » est insaisissable, inclassable. Et pour certaines associations LGBTQIA+, se positionner face à cette contestation n’est pas une évidence (et cela peut se comprendre). Au fond, comme le rappelle Fabien Jannic-Cherbonnel pour Komitid, au cœur de cette interrogation, il y a une chose essentielle : la convergence des luttes. « On a peur de la tournure fasciste du mouvement, mais si l’on décide de ne pas se visibiliser et de ne pas être acteurs et actrices au sein de cette contestation, il y a de très grands risques pour que quelle que soit l’issue, les minorités et leurs droits soient les grands sacrifiés ou les défouloirs de cette crise économique et politique », explique Camille Lossec, qui milite au Comité de Libération et d’Autonomie Queer (Claq). [Komitid]
  • « On voudrait une colère, mais polie, bien élevée » : la réponse du gouvernement et des élites au mouvement des « gilets jaunes », c’est une forme de diabolisation. Tout cela n’a qu’un but : créer des coupables, des opposant-e-s à la République, en somme des ennemi-e-s de la démocratie. Il s’agit d’effrayer les gens. À aucun moment, les politiques ne remettent cause leur responsabilité et le système dénoncé constamment par les personnes qui sont dans la rue, par celles et ceux qui protestent : « On voudrait une colère, mais polie, bien élevée, qui remette une liste des doléances, en remerciant bien bas que le monde politique veuille bien prendre le temps de la consulter. On voudrait une colère détachée de son expression. Il faut admettre l’existence d’un certain registre de violences qui ne procède plus d’un choix ni d’un calcul, auquel il est impossible même d’appliquer le critère légitime vs. illégitime parce qu’il est l’expression pure d’une exaspération. Cette révolte-là est celle du “trop, c’est trop”, du ras-le-bol. Tout gouvernement a la violence qu’il mérite. » [Libération]

 

Sur l’écran et dans les mains de la rédac de Deuxième Page

  • #Bibliotheque2P, le livre de la semaine : face aux mouvements de révolte qui ont lieu ces dernières semaines en France, il peut être utile de prendre un peu de recul. Parfois, afin de comprendre le présent, il est intéressant de regarder derrière nous. De lire ou relire des écrits réflexifs. La semaine dernière, nous repartagions une tribune datant de 2017 au sujet de La Désobéissance civile,  laquelle semblait aussi pertinente aujourd’hui qu’alors. À l’occasion de cette revue de presse, on te propose de découvrir les réflexions de Simone Weil, dont l’œuvre indispensable est très méconnue en France, et pourtant incroyablement riche. Le petit livre Note sur la suppression générale des partis politiques, disponible pour 3,10 € (éditions Allia), est une porte d’entrée à la pensée radicale de la philosophe. Dans cet ouvrage, Simone Weil décortique, analyse, dissèque. Elle revient sur les grands soulèvements populaires en France, remet en cause le rôle des partis politiques (qui , selon elle, parce qu’ils défendent leurs propres intérêts ne peuvent conséquemment servir le bien public), sur les notions d’utilité publique, de vérité et de justice. « Le véritable esprit de 1789, écrit-elle, consiste à penser, non pas qu’une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu’à certaines conditions le vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice ». Plus loin, elle précise « que l’Église fondée par le Christ ait ainsi dans une si large mesure étouffé l’esprit de vérité – et si, malgré l’Inquisition, elle ne l’a pas fait totalement, c’est que la mystique offrait un refuge sûr – c’est une ironie tragique. On l’a souvent remarqué. Mais on a moins remarqué une autre ironie tragique. C’est que le mouvement de révolte contre l’étouffement des esprits sous le régime inquisitorial a pris une orientation telle qu’il a poursuivi l’œuvre d’étouffement des esprits. La Réforme et l’humanisme de la Renaissance, double produit de cette révolte, ont largement contribué à susciter, après trois siècles de maturation, l’esprit de 1789. Il en est résulté après un certain délai notre démocratie fondée sur le jeu des partis, dont chacun est une petite Église profane armée de la menace d’excommunication. L’influence des partis a contaminé toute la vie mentale de notre époque. […] Les institutions qui déterminent le jeu de la vie publique influencent toujours dans un pays la totalité de la pensée, à cause du prestige du pouvoir. On en est arrivé à ne presque plus penser, dans aucun domaine, qu’en prenant position “pour” ou “contre” une opinion. Ensuite on cherche des arguments, selon le cas, soit pour, soit contre. C’est exactement la transposition de l’adhésion à un parti. » Pour Weil, la nuance, la réflexion, la raison et l’utilisation de notre esprit critique sont indispensables. À cette injonction au positionnement simpliste, à l’opposition systématique, elle appelle à une méditation personnelle, à « exprimer les réflexions [qui nous] viennent à l’esprit ». Celle qui pensait que la réflexion était indissociable de l’action, qui a lutté toute sa vie pour les opprimé-e-s, fait une différence importante entre révolution et révolte. Elle insiste sur le besoin d’une collaboration collective et d’une remise en cause permanente des systèmes institutionnels qui aliènent les populations.
  • RévâsSéries, la vie de la rédac depuis son canapé : la rentrée 2018 des séries de la BBC a été assez incroyable, et l’une de ses productions est relativement passée inaperçue. The Cry, une minisérie en quatre épisodes d’une heure chacun, est une pépite à vite découvrir en résistant au torrent de nouveaux shows Netflix. On n’en dira pas trop sur l’histoire, car la découverte progressive de la vérité dans ce thriller fait partie intégrante du plaisir de son visionnage. Mais, pour te motiver un peu, on peut affirmer que The Cry, créée par Glendyn Ivin et Jacquelin Perske, est la démonstration admirable d’un montage réussi participant à l’impact du récit sur ses spectatrices et spectateurs. La forme comme le fond nous happe presque immédiatement. Bercée par une bande-son impeccable, la manipulation mentale mise en scène est tant celle du public que des protagonistes. Jenna-Louise Coleman brille par son interprétation incroyable, nuancée, juste. L’écriture de la série est fine, jamais dans le didactisme. C’est assez brillant, perturbant et haletant. Et donc à voir sans attendre.

The Cry, créée par Glendyn Ivin et Jacquelin Perske, 2018. © BBC One

 

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Image de une :  The Cry, créée par Glendyn Ivin et Jacquelin Perske, 2018. © BBC One